Protection des obtentions végétales : une loi controversée
La loi du 8 décembre 2011 a mis à jour notre droit des obtentions végétales, en transposant notamment une convention internationale de 1991. Parmi ses dispositions, l’obligation faite désormais aux agriculteurs de payer une indemnité pour les semences de ferme fait débat.
Rédaction Réussir
L’obtention végétale s’entend d’une variété nouvelle qui se distingue nettement de toute autre variété, dont l’existence à la date du dépôt de la demande est notoirement connue, qui est par ailleurs homogène (c’est-à-dire suffisamment uniforme dans ses caractères pertinents sous réserve de la variation prévisible compte tenu des particularités de sa reproduction sexuée ou de sa multiplication végétative), et enfin qui demeure stable (c’est-à-dire identique à sa définition initiale à la suite des reproductions ou multiplications successives, ou en cas de cycles particuliers de reproduction ou multiplication à la fin de chaque cycle).
Une telle obtention végétale est alors protégeable par un certificat d’obtention végétale (COV) qui confère à son titulaire un droit exclusif de produire, reproduire, conditionner aux fins de la reproduction ou de la multiplication, offrir à la vente, vendre ou commercialiser sous toute autre forme, exporter, importer ou détenir à l’une de ces fins du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée.
Le droit des certificats d’obtentions végétales est un droit d’origine française dérivé du droit des brevets, et étendu aujourd’hui au niveau communautaire et mondial, afin d’éviter précisément le recours au brevet, d’une articulation beaucoup plus rigide, notamment en vigueur aux États-Unis pour le vivant.
Mais pour souple qu’il soit, le droit des obtentions végétales n’en est pas pour autant exempt de contraintes liées à l’économie et à la nécessité de financer la recherche.
La question houleuse de l’indemnité
C’est ainsi qu’a été introduit dans notre droit par la loi du 8 décembre 2011 une obligation pour les agriculteurs de payer une indemnité, sous condition, lorsqu’ils utilisent leurs semences d’une année sur l’autre. C’est tout le problème de ces semences dites « semences de ferme ».
En particulier, l’article L.623-24-2 du code de la propriété intellectuelle issu de la loi du 8 décembre 2011 précise que, sauf en ce qui concerne les petites exploitations, « l’agriculteur doit une indemnité au titulaire des certificats d’obtentions végétales dont il utilise les variétés ».
Cette indemnité serait payable annuellement et fait débat parmi la profession et les syndicats.
En novembre dernier, avant le vote de la loi, Bruno Le maire expliquait : « La pratique des semences de ferme doit être autorisée mais ne peut pas être libre de droit comme elle l’est aujourd’hui. »
L’idée est aussi de poursuivre l’effort de financement de la recherche et de continuer à améliorer les ressources génétiques.
Visiblement, les semences n’échappent pas à cette règle, à tel point qu’il a été prétendu que ce texte bafoue un droit ancestral des paysans et que cette loi était digne de l’Ancien Régime.
Il n’est pas sûr que de tels arguments soient de nature à endiguer l’évolution, car chacun sait que le droit de la propriété intellectuelle dans son ensemble est perçu par les autorités communautaires comme participant de la politique de concurrence.
Ce débat rejoint un peu celui de l’implantation à marche forcée des médicaments génériques qui amène nécessairement à se poser la question de savoir qui financera la recherche demain, si le droit qui est attaché à l’exclusivité de la découverte n’est pas valorisé, ni même protégé. Où l’on voit que le droit de la propriété intellectuelle et, dans le cas présent, des obtentions végétales, se trouve aux confins de la sociologie et de l’économie.