Pommes de terre : le marché de la transformation sature
Nous avons brièvement commenté dans notre dernier numéro, l’Assemblée générale du GIPT, Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre qui réunit, d’une part, les producteurs et transformateurs de pomme de terre pour la consommation humaine et, d’une autre, les producteurs de pommes de terre féculières et les industriels de la féculerie.On trouvera en page 2, rubrique « À la loupe » un commentaire plus précis sur ce dernier secteur.
La transformation pour la consommation humaine s’insère dans celle de la pomme de terre de consommation en général, dont elle représente bon an, mal an, le quart. Elle s’en différencie cependant par une politique majoritaire de contrats directs entre producteurs et industriels encore renforcée lors de cette campagne, ce qui s’est traduit par une réduction des approvisionnements hors contrats et des importations.
Pour la campagne 2002-2003, comme nous l’avons déjà signalé, 1,172 million de tonnes de pommes de terre ont été mises en œuvre pour la transformation industrielle. C’est un peu plus qu’en 2001-2002, mais depuis 7 ans, les fluctuations des volumes ne sont pas significatives d’une tendance particulière. C’est-à-dire qu’il y a stabilisation (les plus pessimistes diront stagnation) de la transformation et le GIPT y voit le risque que les outils originellement dimensionnés pour absorber la croissance viennent à se révéler sur-capacitaires, avec des conséquences graves, notamment des fermetures d’usines les moins performantes.
Si le tonnage global de pomme de terre livrée à la transformation n’a guère varié ces dernières années, en revanche, leur destination spécifique s’est modifiée. Les fabrications de purée déshydratées ont reculé alors que celles de frites surgelées progressaient sensiblement. Les chips rétrogadent régulièrement depuis la fin de la dernière décennie tandis que les produits « divers, non surgelés » (frites fraîches, produits sous-vide…) connaissaient un essor remarquable depuis 2000.
La frite ne l’a-t-elle plus ?
Le bilan « produits » 2003 remet en cause certaines de ces évolutions. Avec 351 700 tonnes de frites et spécialités surgelées, ce poste jusqu’alors en expansion régulière, accuse un recul de 8 % par rapport à 2001-2002. Les professionnels l’attribuent à la moindre fréquentation des restaurants du type fast-food et aux préoccupations diététiques ; d’ailleurs, le mouvement est ressenti partout dans l’UE les produits déshydratés enregistrent pour leur part, une surprenante reprise de 13 %, avec 61 650 tonnes de production. Le GIPT y voit surtout un effet conjoncturel et en particulier, le retrait du marché de deux industriels européens ayant entraîné un transfert vers les usines françaises. Ce redressement risque d’être éphémère.
41 700 tonnes de Chips et snacks ont été produites en 2002-2003. C’est un retrait de 8 % sur 2001-2002 et la confirmation d’une tendance apparue en 1999.
La belle progression des produits non surgelés depuis 4 ans, marque le pas, accusant même un léger retrait (-1,75 %) par rapport à 2001-2002. La filière ne s’en inquiète pas outre mesure, estimant que ces produits disposent encore d’un beau potentiel de progression dans les années à venir.
Les risques de la réforme de la PAC
Malgré ces mouvements divers, le GIPT considère que la campagne 2003-2004 a été bonne sur les plans de la production (volume et qualité) comme commercial. Néanmoins les professionnels sont inquiets pour l’avenir de cette production qu’ils estiment menacée par la réforme de la PAC et plus particulièrement la régionalisation. Les producteurs de pommes de terre rappellent que si le compromis de Luxembourg prévoyait l’exclusion des pommes de terre et des fruits et légumes du nouveau régime d’aides, le Conseil des ministres en septembre dernier a apporté une dérogation à cette règle qui risque d’entraîner de graves distorsions de concurrence entre les partenaires européens. Ceux qui auraient choisi la régionalisation disposeraient, pour la culture de la pommes de terre, d’un surplus de compétitivité par rapport aux producteurs français, de 200 à 300 euros à l’hectare. La filière française ne croit pas à l’efficacité du seul filet de protection offert, les quotas, en l’absence de tout historique dans le domaine des fruits et légumes. Aussi, le GIPT demande-t-il aux pouvoirs publics français d’imaginer des solutions de compensation. Faute de quoi, la filière française perdrait tout espoir de compétitivité.