Où il est question de la qualité substantielle d'un produit...
Rappel des faits : un opérateur importe de Chine du sulfate de zinc monohydraté destiné à entrer dans la composition d'aliments pour animaux à une période où aucune teneur maximale en cadmium n'est fixée pour les matières premières d'origine minérale des aliments pour animaux. L'importateur ne procède à aucune analyse de contrôle des six containers de sulfate de zinc qu'il réceptionne entre le 23 septembre 2004 et le 15 avril 2005, et se satisfait du « certificate of analysis » remis par son vendeur.
Il apprend par l'un de ses clients, au mois de mars 2005 que les teneurs en cadmium des marchandises livrées sont extrêmement importantes à tel point que notre opérateur va lui-même organiser, mais de manière très partielle (trop ?) des opérations de rappel. Il récupère 3,150 t sur les 20 t livrées du troisième container, 2,6 t sur les 19 t livrées du quatrième container. Aucun rappel ne porte sur la livraison du 29 mars de 2 t provenant du cinquième container alors qu'il sait que la teneur en cadmium est excessive. Par ailleurs, s'il procède au remplacement de la marchandise ainsi récupérée, sans dire à ses clients quelle était la raison de ce rappel, notre opérateur est finalement poursuivi pour tromperie au titre de la période 23 septembre 2004-1er octobre 2005.
Le silence, un délit de tromperie ?
Précisons que la directive 2005/87/CE du 5 décembre 2005 viendra fixer la teneur maximale en cadmium des additifs appartenant au groupe fonctionnel des composés d'oligoéléments et des prémélanges, laquelle directive n'est entrée en vigueur en droit français que par un arrêté du 22 novembre 2006 à effet au 31 décembre 2006. Notre opérateur va donc tout d'abord soutenir qu'en l'absence de seuil, il n'était pas possible de le poursuivre pénalement. Il est vrai que le droit pénal est « de droit étroit », c'est-à-dire qu'il doit s'interpréter strictement. L'opérateur, qui se voyait également reprocher d'avoir gardé le silence de matière fautive, tentera bien de soutenir que le silence ne peut caractériser l'élément matériel du délit de tromperie que s'il porte sur une qualité substantielle de la marchandise ce qui, selon le prévenu, ne pouvait pas être le cas des teneurs en cadmium de son sulfate de zinc.
Dimension morale du prévenu
Mais, c'est là l'apport principal de l'arrêt, car ce moyen de défense fera surgir une réflexion sur ce qu'il faut entendre par qualité substantielle d'un produit. S'il existe des teneurs maximales en cadmium qu'un produit ne doit pas dépasser, il s'agit d'une qualité substantielle que le produit doit présenter et la notion ne fait pas difficulté. Mais ce n'est pas parce qu'il n'existe pas de seuil que la notion de tromperie sur les qualités substantielles d'un produit ne peut pas être retenue. N'oublions pas qu'en ma-tière pénale, la dimension morale du prévenu joue un rôle important. En l'espèce, nous avions affaire à un opérateur qui savait, pour l'avoir appris d'un client, que les produits qu'il avait commercialisés détenaient une teneur en cadmium très importante et il n'en a rien dit, prenant le parti de maintenir sa clientèle dans l'ignorance au motif qu'il n'existait pas de seuil contraignant. Par ailleurs, il a aussi pris le parti de ne pas réaliser lui-même de tests au moment de l'importation des marchandises, faisant confiance aux certificats qui lui avaient été remis, et ce point a toujours été mal appréhendé par la jurisprudence. Nous rappellerons en effet qu'avant la généralisation de l'obligation de traçabilité issue du règlement no 178/2002, le fait, pour une entreprise, de réaliser des autocontrôles était toujours perçu comme un acte de bonne foi en cas de problème. Par voie de conséquence, les entreprises qui n'en réalisaient pas étaient présumées de mauvaise foi. La solution apparaît plus que logique si l'on rappelle que le cadmium appartient à la catégorie des métaux lourds. Au-delà des textes spécifiques, il est important, pour la sécurité des transactions, que le juge puisse continuer de mettre en œuvre les principes généraux du droit, lorsqu'il relève des comportements qui confinent à la mauvaise foi telle qu'une absence de contrôle ou un mutisme volontairement gardé.
LPLG Avocats regroupe une dizaine d'avocats et juristes privilégiant la proximité avec leurs clients et la connaissance de leur métier. Outre son activité plaidante, il fournit des conseils juridiques favorisant la prévention par rapport au contentieux et intervient surtout en droit économique (concurrence, distribution, consommation, propriété intellectuelle, contrats…).
Maître Didier Le Goff a développé une compétence générale en droit économique avec une prédilection pour l'agroalimentaire, et s'est aussi spécialisé en droit des marques qu'il enseigne en master II Droit de l'agroalimentaire de l'université de Nantes.