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Luberon : « Nous voulons construire un abattoir semi-mobile, pour les ovins et caprins »

Les éleveurs caprins du Luberon risquent d’être privés d’un débouché clef pour les chevreaux. De quoi accélérer les volontés locales pour la mise en place d’un abattoir semi-mobile, outil inédit en France, qui permettrait aux paysans engagés dans la démarche d’abattre caprins et ovins eux-mêmes.

collectif d'éleveurs
Plusieurs éleveurs et éleveuses du Luberon s'associent pour créer une structure d'abattage semi-mobile pour leurs ovins et caprins
© Aurélie Payan

Un collectif d’éleveurs ovins et caprins s’organise, depuis six ans, pour mettre en place un abattoir semi-mobile dans le Luberon, ce massif montagneux situé en partie dans le Vaucluse, en partie dans les Alpes-de-Haute-Provence. Aurélie Payan, chargée du projet dans l’association, explique les enjeux de la création de cette structure inédite en France.

Financement participatif du projet

Les Marchés : Pourquoi créer un outil d’abattage sur le territoire du Luberon ?

Aurélie Payan : La région Sud-PACA dispose d’abattoirs mal répartis avec des départements dépourvus d’outils, pour les éleveurs du Luberon, il faut aller à Digne-les-Bains, Gap ou Sisteron, c’est parfois jusqu’à 2h de route. C’est pourquoi nous voulons construire un abattoir semi-mobile, pour les ovins et caprins. En chevreaux, il y a des forts pics saisonniers, les éleveurs n’ont besoin d’un abattoir qu’une ou deux fois par an, d’où l’importance des ovins pour équilibrer.

Pour les chevreaux, il y a urgence

 Il y a moins de bovins dans notre zone, et pour les porcs, il existe un abattoir à Apt. Mais pour les chevreaux, il y a urgence, puisqu’un opérateur majeur de l’engraissement dans la région, qui achetait les chevreaux, les engraissait, les revendait à des abatteurs afin d’exporter la viande vers  d’autres pays comme le Portugal,  a arrêté son activité. La question du débouché du chevreau se pose, il ne peut plus être considéré comme « un déchet » de l’élevage caprin laitier !

Lire aussi : Le chevreau cherche à limiter sa dépendance aux exportations

L. M. : Quel est l’intérêt d’un abattoir semi-mobile ?

A. P. : L’abattoir 100 % mobile est un beau projet, mais compliqué sur les plans sanitaires et économiques. C’est pourquoi nous nous orientons vers un projet entre deux dit semi-mobile. Il comprend une unité d’abattage mobile, installée au sein d’une semi-remorque, et qui se déplace sur des aires d’accueil situées à une vingtaine de minutes de route des fermes. 

L’abattoir 100 % mobile est un beau projet, mais compliqué sur les plans sanitaires et économiques.

Ces aires seront aménagées de manière à accueillir l’unité d’abattage mobile et devront disposer de locaux et notamment des frigos de ressuage. Si les frigos étaient mobiles, l’unité devrait rester de longues heures sur place jusqu’à ce que les carcasses  atteignent 7° C à cœur. Nous aurons une salle de découpe, où les éleveurs pourront préparer la viande. Nous voulons notre indépendance sur ce plan.

Lire aussi : L’abattoir mobile du Bœuf éthique vendu aux enchères 152 000 euros

L. M. : Sur quoi repose le modèle économique ?

A. P. : Le cœur de notre projet, c’est que les éleveurs qui font naître et engraissent les animaux, puissent accompagner leurs animaux jusqu’au bout en se réappropriant cette étape, celle de mettre à mort leurs animaux.

Le chevreau ne peut plus être considéré comme « un déchet » de l’élevage caprin laitier !

 Nous voulons relocaliser l’alimentation et cela passe notamment par l’implantation d’outils d’abattage et de transformation sur le territoire. Notre souhait est de réellement limiter le recours aux prestataires, en impliquant les éleveurs et éleveuses dans le fonctionnement de la structure. Ces derniers assureront l’abattage des animaux, ils seront tâcherons et bien sûr formés.  

Lire aussi : Chevreau : désaisonnaliser la demande avec Goatober

L. M. : Le projet risque-t-il de mettre en difficultés les abattoirs historiques de la région ? 

A. P. : Nous comptons installer deux, si possible, trois aires. D’après nos études, nous évaluons notre projet à 30 à 35 tonnes par an. C’est-à-dire 2 200 animaux par aire, 1500 agneaux, 150 brebis de réforme, 500 chevreaux et 50 chèvres de réforme. Il faut comprendre que ce n’est rien par rapport à ce que traite un abattoir comme Sisteron, qui a la capacité d’abattre en une journée ce que nous comptons abattre sur une aire en un an. 

Nous évaluons notre projet à 30 à 35 tonnes par an. 

Notre projet ne se positionne pas en concurrent des autres structures d’abattage, mais il offre, pour un tarif adapté, une prestation répondant à d’autres objectifs, en adéquation avec les attentes de l’amont et des consommateurs. De plus, il agit comme un véritable levier pour favoriser l’installation de nouveaux éleveurs et éleveuses tout en maintenant ceux et celles déjà présents sur le territoire. En effet, de nombreux éleveurs, en cours d’installation ou souhaitant engraisser leurs animaux, souhaitent pouvoir utiliser cet outil.

Notre projet ne se positionne pas en concurrent des autres structures d’abattage

Sans oublier que cet outil permettra de soutenir la filière caprine viande en assurant l’abattage des chevreaux, qui apparaît souvent contraignant pour les abattoirs avec un matériel à adapter et des animaux plus difficiles à gérer.  

Lire aussi : « L’abattoir mobile, c’est un besoin impérieux »

L. M. : Comment l’outil sera-t-il financé ?

A. P. : Le coût de cet outil est estimé à 200 000 euros pour l’unité d’abattage auxquels s’ajoutent de 150 000 à 180 000 euros par aire d’accueil. 

 200 000 euros pour l’unité d’abattage auxquels s’ajoutent de 150 000 à 180 000 euros par aire d’accueil

A ce jour, nous sommes à la recherche de financements afin de prolonger mon poste encore une année. C’est pour cela que nous avons lancé un financement participatif. Nous espérons également obtenir des subventions d’investissements afin de pouvoir s’équiper et mettre en route l’outil.

 

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