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L'export vers les pays tiers, nouveau défi de Cristal Union

En renforçant sa présence industrielle en Italie puis en Algérie, Cristal Union tisse sa toile en Méditerranée. Il vise les marchés du Soudan et du Sahel sans oublier l’exportation vers les pays tiers. Reportage.

En Italie, Daddy devient incontournable. Cristal Union y possède déjà plus de 30 % de parts de marché, alors que la production du pays est largement déficitaire. En février 2015, le 4e sucrier européen profitait de la vente de la participation d’ED&F Man, que le courtier londonien possédait au côté de SFIR Raffineria di Brindisi (SRB) son partenaire italien local, pour entrer au capital de la raffinerie de Brindisi au côté d'American Sugar Refining (ASR).

Créée en 2007 par ED&F Man et SRB, la coentreprise a construit la raffinerie à 1 200 m de ce port industriel des Pouilles. D’une capacité de production de 450 000 tonnes par an (t/an), elle possède 55 000 t de capacité de stockage de sucre roux, 12 000 t de sucre blanc et peut charger 2 400 tonnes par jour (t/j) de sucre en vrac ou 700 t/j en sucre conditionné de différentes qualités en plusieurs conditionnements. « Les premiers sucres sont sortis de la raffinerie en novembre 2010 », rappelait Alain Commissaire, directeur général de Cristal Union, à l’occasion d’un récent voyage de presse organisé à Brindisi. Approvisionnée en sucre roux par ASR, la raffinerie a produit 300 000 t de sucre blanc en 2016 et réalisé un chiffre d’affaires de 165 millions d'euros (M€) dont 45 M€ de production d’électricité.

Baisser les coûts de raffinage

Implantée dans la botte italienne, cette raffinerie diffère de la plupart de ses homologues européens. La production de sucre raffiné s’avère être « un sous-produit de la production d’électricité », une énergie vitale dans cette partie du pays. C’est ainsi que 60 000 tonnes d’huile de palme sont brûlées chaque année produisant 39 mégawatts d’électricité par heure, mais aussi de la vapeur injectée dans le processus de raffinage du sucre roux.

Une opération qui permet de baisser les coûts du raffinage de moitié. « Avec les cours actuels du sucre, une raffinerie standard n’est pas rentable », souligne Xavier Astolfi, directeur adjoint de Cristal Union, évoquant un coût moyen de raffinage compris entre 100 et 120 euros la tonne (€/t). « Mais la vente d’électricité nous permet de diminuer d’environ 50 €/t ce coût de raffinage », précise-t-il.

Flexibilité permise par l’outil italien

Les Bourses de Londres et de New York régissent le fonctionnement de la raffinerie. « Quand les cours du sucre sont élevés, on interrompt la production de Brindisi et on alimente le marché par du sucre de nos sucreries françaises. Mais quand il est très bas, on redémarre la production de la raffinerie devenue plus compétitive. On a une formidable flexibilité dans cet outil, d’autant plus que l’on peut arrêter et redémarrer une raffinerie à la demande, chose impossible avec une sucrerie qui, une fois en route, ne peut être stoppée », souligne de son côté Alain Commissaire. Une telle flexibilité conforte donc la position de Cristal Union dans le sud de l’Italie, désormais à parité dans le capital de la coentreprise avec ASR.

Le rachat d’Eridania Italia (Bologne) par Cristal Union est venu encore un peu plus renforcer la présence du groupe français en Italie. Possédant déjà 49 % du capital du groupe italien depuis mars 2011, le 13e groupe coopératif français a racheté les 51 % restants en juillet 2016 au groupe italien Maccaferri (1,2 Md€ de CA) qui souhaitait se désengager de la filière sucre. En Italie, la sole betteravière a quasiment disparu. Cristal Union approvisionne désormais l’Italie du Nord par trains entiers à partir d’Arcis-sur-Aube (environ 300 000 t/an), tandis que la raffinerie de Brindisi approvisionne ponctuellement les marchés du sud du pays.

Après avoir mis ses outils de production français en ordre de marche et investi 2 milliards d'euros en l’espace de dix ans, le groupe coopératif se développe en Europe ainsi qu’en Méditerranée. Il renforce sa présence dans les zones déficitaires, soit en accompagnant des acteurs locaux dans la durée (Grèce, Pologne, Espagne…), soit en rachetant des raffineries en association avec des partenaires. Ce fut le cas en Italie avec l’Américain ASR en 2015 ou avec l’Algérien Dhamani (propriétaire du groupe La Belle) dont les premiers contacts remontent à juin 2008. « Nous ne sommes pas là en position hégémonique, mais nous tenons toujours à respecter nos partenaires locaux. Cela fait partie de nos valeurs », fait remarquer Alain Commissaire.

Des regards vers le Portugal

Pour Cristal Union, il s’agit de répondre à la consommation locale et d’accompagner ses clients industriels avec lesquels il signe des contrats à long terme de fourniture de sucres de qualité spécifique aux normes Iso. « Il faut s’installer rapidement là où il y a des opportunités », reconnaît Alain Commissaire. La fin des quotas va probablement entraîner la fermeture des raffineries européennes les moins compétitives. « D’autant que raffiner du sucre roux loin des ports n’a aucun sens quand on peut augmenter les surfaces betteravières », renchérit-il.

Depuis le 12 juillet 2016, Cristal Union vient de prendre une participation de 17 % pour 10 M€ d’investissement dans le groupe familial croate Viro implanté à Virovitica et Zupanja, avec lequel il travaille à façon depuis cinq ans (200 000 t de sucre par an dans deux sucreries et deux raffineries). Cristal Union regarde également vers la péninsule ibérique, notamment vers les trois raffineries portugaises dont l’une est implantée à Lisbonne et appartient au groupe ASR. « On bougera certainement de ce côté-là », confie Alain Commissaire.

Mais à court terme, la priorité, c’est l’exportation vers les pays tiers. « On va y mettre dès cette année de 600 000 à 700 000 t de sucre », explique-t-il. Et s’il est peu probable d’envisager des batailles commerciales entre les principaux opérateurs sur le marché européen, il y a fort à parier que ce terrain-là sera âprement disputé. Chacun affûte déjà ses armes.

La sucrerie algérienne déjà bénéficiaire

Cristal Union vient d’achever la première campagne de sa nouvelle raffinerie algérienne construite à Ouled Moussa, à 30 km d’Alger. Elle a produit 170 000 t de sucre en 2016 et prévoit d’en raffiner 200 000 à 250 000 t en 2017 et 350 000 t à fin 2017-2018. La coentreprise associe le groupe français (35 %) à la famille algérienne Dhamani (65 %). Elle a investi 145 M€ dans cette usine de 2 000 t/j de capacité de raffinage d’un sucre roux débarqué à Alger et commercialisé sous la marque La Belle. Elle vient d’investir 4 à 5 M€ supplémentaires dans un atelier de petits conditionnements et devrait très vite peser le quart de la consommation du pays (1,5 Mt/an). « La sucrerie est bénéficiaire au terme de sa première année de fonctionnement, et on la transforme pour qu’elle puisse passer de 1 000 à 1 400 t/j en début d'année 2018 », explique Jean-François Javoy, secrétaire général. « On a vendu tout ce que l'on avait fabriqué et l’usine a déjà atteint son nominal », se félicite de son côté Alain Commissaire qui table sur un chiffre d’affaires de 215 M€/an quand l’outil produira 450 000 t/an. À ce moment-là, Cristal Union visera les marchés des pays du Sahel (Mauritanie, Sénégal, Mali, Niger, Tchad, Soudan…).

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