Les volailles ukrainiennes déstabilisent le marché européen
La guerre en Ukraine engendre de nombreuses répercussions sur le marché européen de la volaille. Les exportations ukrainiennes progressent dans l’Union européenne et les céréales affluent en masse, aux dépens du grand export.
La guerre en Ukraine engendre de nombreuses répercussions sur le marché européen de la volaille. Les exportations ukrainiennes progressent dans l’Union européenne et les céréales affluent en masse, aux dépens du grand export.
Pour soutenir l’Ukraine face à l’invasion russe, l’Union européenne (UE) a supprimé ses droits de douane en vigueur pour un an (4 juin 2022-5 juin 2023). Cette mesure inquiète les professionnels de la volaille en France comme dans le reste de l’UE. Et pour cause, entre 2021 et 2022, les exportations ukrainiennes de viande de poulet, essentiellement des filets, vers les pays communautaires ont augmenté de 59 %, soit une hausse estimée à 50 000 tonnes équivalent carcasse (tec) tandis qu’elles se sont érodées vers les pays tiers, plus demandeurs de poulets entiers. Au total, les exportations de viande de poulet ukrainiennes ont perdu 7 % sur un an.
L’afflux de poulets ukrainiens dans l’UE pourrait perdurer une année de plus. « Le 23 février 2023, la Commission européenne a proposé de prolonger d’un an cette suspension des droits de douane, à date d’échéance de l’accord déjà en cours », a indiqué Simon Fourdin, directeur du pôle économie de l’Itavi à l’occasion d’un webinaire sur l’actualité de la volaille de chair, mi-avril. Cette décision peut paraître paradoxale, car « elle ne sert pas forcément l’Ukraine, mais plutôt un oligarque ukrainien », s’est étonné Simon Fourdin.
En 2021, l’Ukraine était le cinquième exportateur mondial de volailles, avec 450 000 tec exportées, dont 400 000 tec par la société MHP détenue par l’oligarque Yuriy Kosiuk. Par ailleurs, « cet accord de libre-échange était déjà réfléchi avant la guerre en Ukraine. Il avait été mis en place à titre provisoire le 1er janvier 2016, puis était entré en vigueur le 1er septembre 2017 avec à terme un contingent de 40 000 t de poulets exportées vers l’UE sans frais de douane », a ajouté le directeur du pôle économie de l’Itavi.
Dans un contexte marqué par une baisse de l’offre, conséquence de la grippe aviaire, et une hausse des prix, certains acheteurs de la filière se sont tournés vers l’origine Ukraine, notamment pour répondre aux besoins de la restauration collective. Même si un « retour progressif de la production française est attendu en 2023, les perspectives tablent sur une reprise modérée à 13 500 000 contre 13 372 000 tec en 2022 », a complété le directeur du pôle économie de l’Itavi.
Le sort de l’alimentation animale inquiète également
Les indices Itavi sont en baisse depuis août 2022, même s’ils se maintiennent toujours à un haut niveau. Cependant, l’incertitude est de mise. L’afflux de céréales ukrainiennes en Pologne, Hongrie et Slovaquie a pénalisé les producteurs locaux, notamment de volailles. La Pologne pèse lourd à l’export, puisqu’elle est le premier exportateur de volailles de chair intra-européen avec 1 200 000 tec en 2022. Pour réguler leur marché, ces trois pays ont successivement mis en place des mesures visant à suspendre les importations de céréales ukrainiennes contre l’avis de la Commission européenne. Par ailleurs, « l’accord de la mer Noire reste fragile. La Russie n’est pas totalement satisfaite. Les cours des matières premières pourraient augmenter », a observé Simon Fourdin.
Peu de conséquences sur le poulet français à l’export
En revanche, à l’export vers les pays tiers, la volaille ukrainienne ne semble pas être un concurrent de taille pour la France. Nous sommes bien ancrés dans plusieurs pays du Moyen-Orient. « Les répercussions pourraient être plus importantes sur le Brésil », a expliqué Mohamed Bouzidi, chargé d’études économie à l’Itavi. Enfin, vers l’Afrique subsaharienne et l’Asie, la France expédie beaucoup de pattes, croupions et cous alors que les exportations ukrainiennes concernent davantage les poulets entiers.