Les responsabilités pénales découlant de la loi Sapin 2
Les dispositions de la loi Sapin 2 sont de nature à engager la responsabilité, non seulement des représentants d’intérêts, qu’elle vise avant tout, mais également de leurs clients et même des décideurs publics. Explications.
La loi dite Sapin 2 du 9 décembre 2016 vise à créer un cadre normatif plus précis pour l’activité de représentation d’intérêts, permettant d’identifier et limiter le risque d’influence sur le processus de prise de décision publique. Cet encadrement passe par la création de dispositifs nouveaux ou par le renforcement de dispositifs existants (loi de 2013) d’où découlent un certain nombre d’obligations nouvelles qui s’imposent directement aux représentants d’intérêts, mais aussi, par ricochet, au client du représentant d’intérêts et aux décideurs publics.
Le représentant d’intérêts est directement visé par deux nouvelles infractions pénales en cas de non-respect des obligations dont il est nouvellement chargé.
La loi punit ainsi d’un an de prison et 15 000 euros d’amende le défaut de communication par le représentant d’intérêts à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique des informations prévues à l’article 18-3 (son identité, le champ de son activité, ses mandants, etc.). Si le représentant d’intérêts auteur de l’infraction est salarié, c’est le représentant légal de son employeur qui sera désigné responsable, sauf délégation de pouvoirs régulière. Si on peut avancer que la communication incomplète et a fortiori mensongère d’informations sera sanctionnée de la même manière que l’absence totale de communication, la poursuite de cette infraction risque d’être paralysée puisque l’obligation de communication n’est assortie, du moins pour l’instant, d’aucun délai. Cependant, et bien que la loi n’ait à cet égard prévu aucun décret d’application, le pouvoir réglementaire est toujours libre d’en édicter un.
La répétition de la violation d’une règle sanctionnée
L’article 18-10 punit des mêmes peines la violation par le représentant d’intérêts d’une règle déontologique pour l’irrespect de laquelle il aurait déjà reçu, moins de trois années auparavant, une mise en demeure de la Haute Autorité : c’est donc la répétition de la violation dans un délai de trois ans qui est sanctionnée, et elle concerne toutes les règles déontologiques contenues à l’article 18-5 telles qu’éventuellement précisées par le Code de déontologie appelé par le même texte. La conséquence est que pour la violation d’une obligation déontologique déterminée (par exemple : obtention d’information à l’aide de moyens frauduleux), le délit ne sera constitué que si au cours des trois années précédentes, le représentant d’intérêts avait déjà violé la même obligation et fait l’objet d’une mise en demeure en conséquence : à défaut, il ne pourra pas être pénalement sanctionné.
Complicité par instruction
Le client, quant à lui, est à la fois victime du représentant d’intérêts insuffisamment scrupuleux, et fautif de ne pas être regardant sur les qualités de son interlocuteur. À supposer qu’il soit démontré qu’il savait ou aurait dû savoir que celui-ci travaillait dans l’illégalité, il est concevable qu’il soit poursuivi pour complicité par instruction (si les conditions de la complicité sont remplies) et voie sa responsabilité pécuniaire engagée par la collectivité victime de l’influence néfaste et illicite du représentant d’intérêts.
Le décideur public, enfin, pourra être déclaré pénalement responsable de certaines des infractions pénales commises par le représentant d’intérêts, soit qu’il ait reçu de celui-ci un avantage ou un don « significatif » en contravention avec la règle déontologique résultant de la loi de 2013 (il sera alors qualifié de receleur), soit qu’il ait accepté d’échanger avec un représentant d’intérêts qui ne serait pas inscrit sur le registre désormais imposé par la loi de 2013 sans vérifier si son interlocuteur respectait son obligation. À tout le moins, l’agent public concerné encourrait alors une responsabilité disciplinaire et pourrait voir rechercher sa responsabilité pécuniaire sur le fondement de la théorie de la faute personnelle, en cas de préjudice (transmission d’informations confidentielles, influence néfaste sur la décision publique, etc.). Ceci, bien entendu, s’articulant avec les infractions pénales de trafic d’influence ou de corruption.
LE CABINET RACINE
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