Les produits « moches », une stratégie marketing

> Les biscuits moches représentent un volume limité de fabrication ratée.
Il y a eu les fruits et légumes moches en 2014 puis les biscuits moches en novembre dernier. Préparez-vous à entendre parler des boîtes moches (de légumes et de plats cuisinés) au cours du premier semestre 2016. La direction d'Agromousquetaires en a fait l'annonce début décembre, lors d'une matinée d'information au cœur de la biscuiterie Filet Bleu (Saint-Évarzec, Finistère) où sont reconditionnés sous emballage des biscuits moches. Au fur et à mesure des ratés de fabrication (1,5 % des 10 000 tonnes de biscuits fabriquées annuellement), ils constituent un stock à part avant le lancement d'une nouvelle opération commerciale, lorsque le volume est suffisant.
Après le « succès phénoménal » de la première opération du genre, des fruits et légumes moches vendus 30 % moins cher en mars 2014 dans un seul magasin à Provins, Intermarché a renouvelé l'initiative du 3 au 8 novembre dernier en vendant des biscuits moches (4 tonnes) pendant quelques jours dans 146 points de vente de la région parisienne, soit moins de 10 % de ses 1 800 magasins. Toujours avec la même ristourne et toujours avec un volume limité. Succès médiatique assuré. Et ce, d'autant plus qu'Intermarché a fait coïncider son opération avec la journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire.
2 % des produits fabriquésLes biscuits cassés ou déformés de Filet Bleu n'étaient pas tout à fait gaspillés, puisqu'ils faisaient déjà l'objet d'une vente à vil prix, souvent en vrac, dans son magasin d'usine. Par définition, il ne peut et ne doit y en avoir pour tout le monde. « On peut considérer que 2 % des produits fabri-qués par les soixante-quatre usines d'Agromousquetaires sont gaspillés, c'est-à-dire retirés du circuit de distribution pour des défauts d'aspect, parfois minimes », explique Christophe Bonno. Si la survenue de défauts de fabrication est aléatoire, le taux de produits déclassés, lui, est constant. « Alors oui, il y aura régulièrement des opérations commerciales ponctuelles », poursuit Christophe Bonno.
Les boîtes moches qu'il a brandies devant la presse contiendront des produits déclassés, des légumes (haricots verts, petits pois, macédoine de légumes, etc.) sortis de l'usine Kerlys (Locoal-Mendon, Morbihan) et des plats cuisinés venus des Délices d'Auzan (Castelnau-d'Auzan, Gers). Une partie sera écoulée lors de ces opérations commerciales à - 30 % – la première est prévue en 2016 –, l'autre sera orientée vers les banques alimentaires avec qui (au travers de la Fédération française des banques alimentaires) Agromousquetaires a signé une convention spécifique le 18 novembre dernier.
Doit-on s'attendre à ce que d'autres produits fabriqués par Agro-mousquetaires, mais déclassés, entrent dans la gamme des « moches » et fassent l'objet d'opérations spécifiques ? « Cette opération a fait l'unanimité auprès des consommateurs. Ce n'est qu'une première étape. Comme nous sommes le seul distributeur à être producteur-commerçant, vous pouvez compter sur nous pour ne pas nous arrêter là », assure la directrice marketing d'Agromousquetaires, Patricia Châtelain. Franck Jourdain
Avec ses 11 000 salariés répartis dans 64 usines et ses 3,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires consolidé, Agromousquetaires constitue un groupe industriel à part dans l'agroalimentaire français. 80 % de son chiffre d'affaires est en effet réalisé dans les points de vente de la galaxie Intermarché, le reste en RHF, un peu chez Casino et à l'export. Dans le détail, Agromousquetaires pilote douze filières, 39 % de son chiffre d'affaires provient de la viande, et fournit 45 % des marques propres distribuées en magasin. Les deux tiers de ses usines se situent en Bretagne. Le groupe revendique le lancement de cent nouveautés par an.