Les difficultés pour les collectivités de s'approvisionner en local

> Le Code des marchés publics a été récemment modifié pour favoriser l'approvisionnement en produits locaux de la restauration collective. Il intègre depuis le 1er octobre un nouveau seuil à 25 000 euros permettant d'être dispensé de procédures.
Le 21 octobre dernier, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a annoncé la parution d'une brochure sur les soutiens publics mobilisables et d'un guide pour faciliter la mise en place de plateformes collectives afin de favoriser la mise en place de l'approvisionnement local dans la ” restauration collective. Il a rap-pelé à cette occasion que «l'an-crage territorial de l'alimentation était une des quatre priorités que la loi d'Avenir pour l'Agriculture, l'Alimentation et la Forêt d'octo-bre 2014 a fixées à la politique publique de l'alimentation ». Il a également souligné qu'en décem-bre 2014, le ministère de l'Agri-culture publiait et diffusait auprès de tous les maires, présidents de conseil départemental et conseil régional, et de tous ses homologues du gouvernement, un guide juridique sur les possibilités offertes par le Code des marchés publics pour favoriser l'approvisionnement en produits locaux dans la commande publique. Ce Code des marchés publics a d'ailleurs depuis le 1er octobre 2015 officiellement intégré le nouveau seuil permettant d'être dispensé de procédures.
“Les gammes locales seront marginales
Le décret du 17 septembre 2015 a été publié au Journal officiel. Ainsi, depuis le 1er octobre, les marchés publics dont le montant estimé est inférieur à 25 000 euros hors taxes peuvent être lancés sans formalités. Malgré ce changement censé faciliter l'approvisionnement local, beaucoup s'ac-cordent à dire qu'il sera insuffisant. « Pour des petits établissements de cinquante à cent couverts, ce sera un plus. Pour les structures plus grandes, cela ne changera pas grand-chose. Au total, les gammes locales seront marginales sur l'ensemble de l'approvisionnement de la restauration collective », estime Éric Lepêcheur, président de Restau'Co, réseau de la restauration collective en gestion directe.
À l'heure où nous bouclons, Restau'Co devait signer une convention avec la Fédération française des Marchés d'intérêt national lors de son assemblée générale (le 3 novembre à Paris). Cette convention doit permettre d'étendre au niveau national une expérimentation lancée à Lille depuis plus d'un an. «Nous voudrions étendre à tous les Min de France l'expérience concluante qui a été menée à Lille pour mettre en avant les produits locaux. L'objectif est d'augmenter les volumes sans accroître les prix, et sans se soucier du transport », a expliqué Éric Lepêcheur quelques jours avant la signature. Le même jour, devait également être signé un accord collectif engageant l'ensemble des acteurs de la restauration collective en gestion directe sur « six piliers validés par la DGAL». Il est notamment question d'afficher l'origine de la viande sur les menus.
Pour l'Association des maires de France (AMF), « ce dispositif reste malheureusement insuffisant, car trop méconnu ou complexe à mettre en œuvre, notamment par les petites communes, pour avoir un impact significatif sur l'approvisionnement local, voire national, en denrées alimentaires. En effet, l'utilisation appropriée des outils du Code des marchés publics pour favoriser ce type d'achat ciblé requiert des ressources et une ingénierie contractuelle dont peu de collectivités disposent », écrivent le président François Baroin et le premier vice-président délégué André Laignel de l'AMF, dans un courrier adressé au président de la République.
Les subterfuges juridiques persistentPour les deux associations, c'est au niveau européen que le chan-gement doit se faire pour permettre un « droit de préférence » aux produits locaux. « Il aurait pour avantage d'offrir aux éleveurs des débouchés réguliers dans les marchés publics locaux et de leur garantir à l'avenir des revenus plus stables. Il permettrait aux élus locaux, pour leur part, de définir de véritables politiques d'achat en soutien des filières en difficultés », indique le courrier de l'AMF adressé à François Hollande. Pour Éric Lepêcheur, « il faudrait changer la réglementation européenne pour retrouver la source du bon sens en faveur de produits locaux au meilleur prix possible ».
En attendant, les subterfuges juridiques se poursuivent pour les gérants d'établissement qui souhaitent développer leur approvisionnement local. « Le Code des marchés publics permet de jouer sur plusieurs indications pour cibler davantage l'offre et limiter l'importation de produits étrangers », observe-t-il. L'acheteur peut formuler dans son cahier des charges un certain nombre de critères permettant de réduire le choix possible de fournisseurs. «On peut indiquer vouloir une société qui a des engagements spécifiques en termes de biodiversité, ou qui a mis en place des guides de bonnes pratiques d'élevage, ce qui est peu courant dans les pays étrangers. On peut aussi jouer sur l'emploi, le prix horaire du personnel », précise Éric Lepêcheur. Au-délà de l'aspect juridique, le budget des restaurants collectifs reste la principale préoccupation. Et dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités en 2016, confirmée par le gouvernement au mois de septembre, cet argument restera majeur.
Ceci étant, en combinant les recommandations nutritionnelles du GEM-RCN (Groupement d'étude des marchés en restauration collective et de nutrition) et la volonté de lutter contre le gaspil-” lage alimentaire, le président de Restau'Co estime qu'il est possible d'améliorer la qualité de l'alimentation en restauration collective. « Ces deux éléments, nutrition et gaspillage, peuvent permettre de réduire notre budget économique. Et ces moindres dépenses peuvent être réinvesties dans des produits locaux. Dans les restaurants du Cesfo (Comité d'entraide social de la faculté d'Orsay-Université Paris Sud, ndlr), je peux me permettre d'avoir des races à viande issues de la démarche Bleu-Blanc-Cœur. Les morceaux sont plus petits mais plus tendres. Je baisse la quantité pour améliorer la qualité », conclut-il.
“ Nutrition et gaspillage peuvent permettre de réduire le budget