Viande
Le casse-tête chinois du secteur porcin
Bien que la France demeure peu dépendante du marché chinois, le ralentissement de la demande du plus grand importateur de porcs dans le monde a bel et bien des effets sur le marché européen et, en ricochet, le marché hexagonal.
Bien que la France demeure peu dépendante du marché chinois, le ralentissement de la demande du plus grand importateur de porcs dans le monde a bel et bien des effets sur le marché européen et, en ricochet, le marché hexagonal.
« L’après-Chine sera une vraie question pour toute la filière porcine en Europe », confie Elisa Husson, ingénieure d’études économiques à l’Institut du porc (Ifip). Pendant l’été, les principaux marchés européens du porc ont plongé face aux volumes importants de viandes qui n’ont pas pu s’exporter vers l’empire du Milieu.
La concurrence s’intensifie en France
Si au premier semestre, la France affiche des niveaux d’exportations plus élevés qu’en 2020, notamment vers le marché chinois, elle risque pourtant de voir arriver sur son territoire des viandes en provenance de nos voisins, notamment du trio Allemagne, Espagne et Danemark. Sur les cinq premiers mois de l’année, les importations françaises de produits porcins ont progressé de 9,7 % sur un an, avec une hausse de 15 % des volumes allemands.
Si l’Espagne progresse légèrement de 0,8 %, elle reste notre premier fournisseur et pourrait bien peser plus lourd sur notre marché avec le retrait des achats chinois. « L’Espagne se positionne surtout sur les pièces désossées (comme le jambon) qui représentent un tiers des importations », indique Paul Rouche, directeur de Culture Viande. La concurrence espagnole sur ces produits est forte compte tenu du différentiel de coût de main-d’œuvre important entre la France et l’Espagne. « Les grands outils espagnols ont recours à des travailleurs indépendants, bien moins chers que des salariés employés dans les abattoirs français », explique-t-il.
Notre voisin espagnol pratique des prix cassés, « avec un écart de prix de l’ordre de 30 % en comparaison aux produits français », analyse Paul Rouche. Avec ce différentiel de prix significatif, et un marché européen de la viande déprimé, les produits espagnols s’infiltrent même jusque dans nos rayons ! Une situation rare, puisque l’étiquetage obligatoire en GMS favorise généralement les produits français. Pourtant, « ce mois-ci, Carrefour a importé des filets mignons en provenance d’Espagne, pour les vendre dans ses magasins en promotion », rapporte-t-il.
S’ouvrir à d’autres marchés asiatiques ?
La Chine ne semble pas vouloir revenir aux achats pour les prochains mois protégeant ses grands intégrateurs qui ont investi des sommes colossales dans le secteur. Même si la demande chinoise recule, les volumes importés en provenance de l’UE restent importants, mais leur valeur demeure au-dessous des niveaux de 2019 et 2020. Diversifier ses débouchés pour moins dépendre de la Chine semble alors important pour le secteur porcin européen. Japon et Corée du Sud représentent une valeur à capter, tandis que les Philippines recèlent un fort potentiel puisque, touchées par la PPA, le pays a plus que triplé ses achats. Mais ces débouchés restent insignifiants face au géant chinois.
Sur les sept premiers mois de l’année, la Chine a importé 1,8 million de tonnes de l’UE, contre seulement 200 000 tonnes pour les Philippines. Par ailleurs, si la volonté de diversifier ses débouchés est de mise, le processus semble difficile, « cela passe par des négociations d’agréments entre pays, les relations partenariales ou encore la promotion de l’image de marque », conclut Elisa Husson.