L’agriculture biologique serait-elle victime de son succès ?
Avec une croissance annuelle de 10 à 15 % en Europe (et de 32 % pour le marché français 1), l’agriculture biologique a incontestablement le vent en poupe. Or l’actualité de l’année 2011 a quelque peu mis à mal le mythe entourant ce mode de production et rappelé que « bio » ne rime pas toujours avec « sain ».
Rédaction Réussir
L’agriculture biologique présente un intérêt certain : celui de protéger l’environnement et le bien-être animal. À cette fin, un règlement européen dit « cadre » n° 834/2007, modifié par le règlement n° 967/2008, pose les conditions générales applicables à ce mode de pro-duction et aux produits qui en sont issus. Il est complété par une suite de règlements plus détaillés contenant les modalités d’application en matière de production, de traitement, de distribution, d’étiquetage, de contrôles biologiques et de régime d’importation. En outre, les États membres sont habilités à appliquer des règles nationales plus strictes et à autoriser des normes privées relatives à l’étiquetage. Ainsi, un cahier des charges français (CCF) établit les modalités de production des espèces animales qui n’auraient pas été prévues par la législation européenne, ainsi que des éléments d’application nationaux 2.
Mais pour autant, cet arsenal législatif ne suffit manifestement pas à protéger l’intégrité de l’agriculture biologique. En témoignent plusieurs « scandales » qui ont récemment terni le quasi-mythe qui l’entourait jusqu’à présent…
Ainsi, la récente polémique qui a suivi l’annonce de la commercialisation de poulets bio par l’un des plus gros intégrateurs français, a révélé que les concepts d’agriculture biologique et d’agriculture intensive ne sont, en pratique, pas incompatibles… Le volailler a en effet annoncé la construction de 45 bâtiments d’ici à 2015, pour commercialiser 15 000 poulets bio par semaine. Mais surtout, profitant d’un flou juridique dans la réglementation européenne, ces poulets « biologiques » seront abattus à 71 jours, contre les 81 jours pratiqués en France par le reste des producteurs de poulets bio 3, illustration même de la tendance à l’industrialisation de la filière.
Les faiblesses d’une filière
L’agriculture biologique est également victime de son succès commercial, qui crée bien des convoitises, comme l’a révélé la grande escroquerie aux produits bio, démantelée en Italie début décembre. La police italienne a saisi plus de 2 500 tonnes de « faux produits bio », c’est-à-dire des produits de base, achetés en Roumanie et en Italie via des sociétés écrans, puis revendus sous étiquette « bio » par l’intermédiaire d’un réseau de grossistes. Ce trafic aurait porté en quelques années sur plus de 700 000 tonnes de produits, écoulés en Italie, en Suisse et vraisemblablement dans le reste de l’Europe, pour une valeur dépassant 220 millions d’euros.
Quant à la question de savoir si les produits bio sont réellement plus sains, la très grave crise sanitaire au printemps dernier, due à la présence de bactéries E. coli dans des graines germées bio, a malheureusement montré l’envers du décor, à savoir les faiblesses d’une filière sans pesticides de synthèse face aux risques sanitaires…
La filière biologique aura beaucoup fait parler d’elle en cette année 2011, mais hélas pas toujours à son avantage…
1. En 2008-2010. Source : Agence Bio.
2. Cahier des charges concernant le mode de production biologique d’animaux d’élevage et complétant les dispositions des règlements (CE) n°834/2007 du Conseil et (CE) n°889/2008 de la Commission, homologué par l’arrêté interministériel du 5 janvier 2010, JO du 15 janvier 2010.
3. L’article 12, paragraphe 5 du règlement n°889/2008 autorise l’abattage à moins de 81 jours, à condition que les poulets proviennent de souches dites « à croissance lente ». Or ces souches ne sont pas définies et la pratique diffère d’un État membre à l’autre, et désormais, d’un producteur français à l’autre.