La traçabilité : une contrainte et un atout
Alors que les dictionnaires offrent une hospitalité de plus en plus large et souvent injustifiée, aux anglicismes, on n’y voit apparaître dans aucun le mot traçabilité. Ce dernier est pourtant bien ancré maintenant dans le langage courant, particulièrement dès que l’on aborde les problèmes alimentaires. Voilà pourtant un néologisme qui commence, paradoxalement à prendre de l’âge quoi qu’il dise bien ce qu’il veut dire. À l’occasion d’un colloque organisé par Interbev, le 25 mars dernier sur « La traçabilité des viandes bovines », un des intervenants, Thierry Kingler, soulignait avec humour que si le substantif était reconnu il se situerait dans les « Larousse » et autres « Robert », entre les mots « tracas » et « traçant ». un voisinage que les hasards de l’alphabet rendent symbolique, puisque la traçabilité c’est, pour ceux qui ont la charge de l’appliquer, à la fois des sujétions mais aussi une « trace lumineuse » comme celle d’une balle traçante. Encore faut-il que le bilan de la trace surpasse celui de la contrainte.
Entre « tracas » et « traçant »
C’est ce qui semble se dessiner dans ce secteur bovin qui fut le premier à engager une politique de traçabilité dès 1968 avec l’identification des animaux (registres et boucles d’oreilles). Par la suite et jusqu’à maintenant, la traçabilité ne devait cesser de se renforcer, généralement dans un but de prévention sanitaire, stimulé par les grandes crises, dont l’ESB. Philippe Guérin, président du Conseil National de l’alimentation notait, à la tribune de ce colloque, l’avance prise par la filière bovine dans ce domaine, souhaitant que son exemple soit repris par les autres filières. Il faudra sans doute quelques années à ces dernières pour rattraper la première.
L’objectif sanitaire de la traçabilité est aujourd’hui dépassé. Elle est devenue un outil d’information pour le consommateur de plus en plus soucieux de l’origine des produits alimentaires, mais c’est aussi pour les entreprises qui ont su bien la gérer, un élément positif. Ainsi, Bruno Filleau, directeur industriel de Socopa, groupe pour lequel la traçabilité est devenue une fonction à part entière, « la traçabilité que nous avons au départ subie comme une contrainte, est devenue aujourd’hui un atout commercial stratégique pour notre activité». Les deux projets pilotes mis en place par la DGAL avec le concours d’Interbev, Agreen Tech et Agreval, vont dans ce sens et c’est le constat de cette évolution qu’a dressé et dont s’est félicité le directeur général d’Interbev, Jean-Louis Bignon, en tirant les conclusions du colloque.