La succession de petites récoltes pèse sur le marché
> La production en Languedoc-Roussillon a crû de 13 % entre 2012 et 2013. Ici, le domaine du Causse d'Arboras dans le Larzac.
Les années se suivent et se ressemblent sur le marché du vin. Après une vendange 2013 presque aussi réduite que celle, historiquement faible de 2012, les prix de la campagne de commercialisation 2013/14 sont lancés sur la même pente haussière que la précédente. Sur le premier semestre (août-janvier), soit à mi-campagne, les prix des vins ont progressé d'une année sur l'autre dans toutes les catégories, selon la dernière synthèse publiée par Agreste sur la base des contrats d'achat de vin recensés par FranceAgriMer. C'est le cas des vins IGP (indication géographique protégée) et sans indication géographique (IG), dont les prix moyens pondérés augmentent respectivement de 6 % et 11 %, toutes couleurs confondues. Les hausses les plus spectaculaires concernent les vins blancs sans IG (+14 %, à 6,59 euros/hl) devant les vins rouges sans IG (+10 %, à 5,53 euros/hl).
En vins d'appellation, c'est une véritable flambée qui se dessine, après une campagne 2012/13 fortement haussière. Les prix moyens des AOP (hors champagnes) ont augmenté sur le premier semestre de 18 % par rapport à la même période de l'année précédente. Si l'on compare à la moyenne des années 2008/12, la croissance atteint 25 %. Certaines régions sont plus concernées que d'autres : +22 % pour la Provence, +32 % pour la Bourgogne et +20 % pour Bordeaux.
« Mauvais » chiffres à l'exportPour Bordeaux, la région la plus affectée par la faiblesse de la récolte (-27 % par rapport à 2012), l'évolution récente est à double tranchant. Selon le président de l'interprofession des vins de Bordeaux (CIVB) Bernard Farges, « l'appréciation de 25 % du prix du vin en vrac entre la propriété et le négoce » était « attendue » par un grand nombre d'acteurs de la filière, « dans un contexte de volumes disponibles en baisse ». Mais l'envolée des cours commence à décourager certains clients en France et à l'export, d'autant qu'elle intervient après une hausse déjà sensible en 2012/13. « La hausse des tarifs en 2014 risque de faire tourner les négociations au bras de fer avec nos clients à l'export », a prévenu l'éleveur-distributeur bordelais Philippe Castéja, lors de la présentation du bilan des exportations de vins et spiritueux par la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (Fevs) en février. Après des années de hausse et un sommet historique atteint en 2012, les exportations de vins de Bordeaux se sont effritées en 2013 : -2 % en volume et - 4 % en valeur. Compte tenu de la baisse des disponibilités, les chiffres à l'export en 2014 seront « mauvais », a reconnu Allan Sichel, négociant et vice-président de l'interprofession bordelaise. Pas en raison des doutes pesant sur la qualité du millésime 2013, mais bien en raison du manque de volumes.
Le creux qui se profile dans les disponibilités menace de manière plus générale les positions françaises sur les marchés export à moyen terme, s'inquiètent les exportateurs. « Notre préoccupation, c'est que nos efforts ont porté essentiellement sur la valorisation », explique Louis-Fabrice Latour, le président de la Fevs, à propos de la baisse de 3 % des exportations françaises en 2013, à 14,5 millions d'hectolitres (Mhl). « Nos concurrents, Espagnols ou Italiens, eux, ont les volumes. Le vignoble français a gagné la bataille de la valeur, mais pas celle des volumes », déplore-t-il.
La difficulté à approvisionner les marchés à l'export risque d'être encore plus sensible cette année sur les vins d'entrée de gamme. La récolte des vins sans IG ou Vins de France a été réduite de près d'un tiers en 2013 par rapport à la moyenne des cinq dernières années et les stocks de ” début de campagne ont fondu de 2,5 à 1,7 Mhl. Difficile d'imaginer que la catégorie, qui constitue une solution de repli commercial en période d'abondance, soit très prisée cette année par les régions d'appellation. Les exportations avaient déjà pâti en 2013 du manque de disponibilité, avec un reflux de 10 % des ventes des vins avec cépage et de 17 % pour les vins sans cépage.
Le vignoble français a gagné la bataille de la valeur
La tendance générale, baissière en volume et haussière en prix, pourrait profiter aux régions et catégories évoluant à contre-courant. Tous les vignobles français n'ont pas subi en 2013 les mêmes avaries que le Bordelais ou la Bourgogne. La récolte 2013 de la principale région française de production, le Languedoc-Roussillon, a progressé de 13 % entre 2012 et 2013, à 13,5 Mhl. Le vignoble est le seul en France à maintenir son niveau de disponibilité, avec 20 Mhl.
Cette conjoncture favorable devrait conforter le positionnement, sur les marchés français et export, des IGP, dont le Languedoc-Roussillon est la principale productrice en France. La production était attendue en hausse en 2013 (à 13 Mhl, toutes régions confondues), à la différence des vignobles AOP. L'analyse de la campagne passée montre que la Région dispose encore de réserves de développement en vins blancs IGP, dont les transactions ont augmenté de 15 % lors de la campagne précédente.
L'opulence de la vendange 2013 offre de belles perspectives aux vins AOC, dont les ventes bénéficient également d'une tendance favorable ces dernières années. « En 2013, le volume des transactions est en hausse de +11 %, avec plus de 705000 hectolitres enregistrés en contrat d'achat sur le marché des vins en vrac », note Jérôme Villaret, le directeur de l'interprofession (CIVL). La période semble particulièrement favorable à la progression des ventes à l'export, dont la Région est no 1 française en volume, avec 3,4 Mhl sur un total de 14,9 Mhl. Un signe ne trompe pas. Au salon ProWein qui vient de se tenir à Düsseldorf, la Région disposait du plus grand stand collectif du salon et 88 entreprises viticoles du vignoble avaient fait le déplacement.