La FNSEA prend de la hauteur en Haute-Savoie
Le syndicalisme agricole peut-il encore se battre pour les prix des produits et les revenus ? Les congressistes de la FNSEA sont invités à en débattre, mercredi prochain au Grand Bornand (Haute-Savoie). Le rapport d’orientation intitulé « Quel syndicalisme demain?», que leur présentera Dominique Chardon et les autres secrétaires généraux, recommande d’outrepasser le rôle de « contre-pouvoir» auquel Bruxelles et le courant libéral voudraient assigner les syndicats. Il plaide en faveur d’une FNSEA engagée économiquement, un « corps intermédiaire, garant de l’équilibre économique et social auquel aspire normalement une démocratie». Si le syndicalisme est « le meilleur rempart contre les excès du libéralisme et de la mondialisation», est-il rappelé en préambule, c’est parce qu’il s’efforce de « résoudre les conflits entre les différents agents économiques», et qu’il régule les forces du marché.
« Mesure de régulation» en viande bovine
Le rapport cite trois récents succès économiques de la FNSEA : l’adoption, en 2001, de la loi sur les nouvelles régulations économiques ; la conclusion, en 2002, d’un accord-cadre sur la transparence des pratiques commerciales ; la condamnation, en 2003, de « nombreuses» enseignes pour pratiques commerciales abusives. Mais que dire de l’accord du 24 octobre 2001 sur les prix de la viande bovine ? Au sens des auteurs du rapport, il a ponctué une « sortie de crise» exemplaire. La Commission européenne y a vu une entente illicite, qu’elle a sanctionnée.
Le rapport met en exergue la disproportion de l’amende infligée à la FNSEA (16,68 millions d’euros) au regard de son budget annuel (12 millions d’euros). Il compare ce budget aux 102 540 ME de chiffre d’affaires de totalFina, condamné à l’époque par la DGCCRF à une amende du même montant pour entente entre pétroliers.
Le rapport d’orientation re-qualifie « l’entente» de la filière bovine en « mesure de régulation » et la présente comme une réponse à « l’inefficacité des décisions communautaires ». Il étaye sa vision en impliquant l’Etat : « la réunion du 24 octobre 2001 a été organisée dans les locaux du ministère de l’Agriculture, lit-on, à la demande du ministre, lequel a très officiellement exprimé son soutien à l’accord dans une déclaration au Parlement. »
Ce fait plonge dans la problématique de la cogestion entre l’Etat et les organisations syndicales, un des grands débats de mercredi prochain. La FNSEA doit-elle tourner cette page ? Le rapport constate l’essoufflement de cet esprit de consensus né en 1958 et en cite une série de raisons profondes : la diversité syndicale, Bruxelles, les multiples leviers de commande, le désengagement de l’Etat en matière d’économie agricole. « Progressivement, nos relations avec l’Etat vont passer de la cogestion à la concertation, parfois même de la concertation à la simple consultation, tout au moins au niveau national », préfigure le rapport d’orientation.
Si la cogestion disparaît, quelles stratégies adopter ? « Il nous faut changer nos méthodes d’action. Nous y aurons bien plus à gagner qu’en allant secouer les grilles des préfectures », suggère textuellement le rapport. Les lobbyistes vont-ils prendre le relais des manifestants de base ? Le rapport invite les responsables syndicaux à découvrir les méandres du pouvoir bruxellois à apprendre à monter des dossiers socio-structurels. Puisque « l’écoute du pouvoir ne suffit plus », il faut toucher le cœur de l’opinion publique. Ainsi, les agriculteurs manifesteront toujours, mais d’une manière « plus ciblée », « plus médiatique ». ils ne manifesteront plus seulement pour eux-mêmes.
Prévenir les crises est préférable. Cela passe par des engagements « horizontaux » dans le cadre des organisations professionnelles et des engagements « verticaux » dans le cadre des filières. Les responsables syndicaux sont invités à intervenir dans les coopératives où l’esprit de partenariat ne souffle plus assez, à travailler dans un esprit de partenariat au sein des filières, et à veiller au partage équitable de la valeur ajoutée au sein des interprofessions.