La Fesass est un avertisseur des problèmes sanitaires sur le terrain»
LM : Comment jugez-vous la grève des vétérinaires sanitaires ?
Bernard Terrand : Je suis un peu consterné par leur réaction. Cette grève est malvenue. Il y a trois ans, l’idée d’un réseau de surveillance sanitaire était soutenue par la Direction générale de l’Alimentation (DGAL), la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) et la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail (FNGDSB). Les responsables ont changé. Tous ont maintenant le souci d’inventer une autre façon de faire. A l’exception de la FNGDSB, qui garde une ligne claire. Les vétérinaires dénoncent l’absence de définition d’une nouvelle politique sanitaire.
Cela montre qu’ils n’ont rien compris. L’objectif n’est pas de les faire intervenir comme des pompiers, en curatif. Il faut davantage prévoir, afin d’éviter des crises liées aux maladies d’élevage. Les vétérinaires ont largement contribué à mettre à terre le réseau de surveillance. On y reviendra, après avoir perdu du temps et de l’argent. Inutile de surveiller les zones blanches de maladies. Mieux vaut se concentrer sur les élevages à problème. L’intervention systématique, prônée par les vétérinaires, n’est pas la bonne méthode.
LM : Votre fédération est très jeune. Ses actions lui confèrent-elles un début de reconnaissance ?
B. T. : La Fesass n’a pas encore toute sa place. Elle regroupe cinq organisations nationales en Belgique, Allemagne, Italie, France et Pays-Bas. Sa représentativité en Europe est de 60 % des bovins, 55 % des porcins, 26 % des ovins et caprins. J’aimerais faire adhérer l’Espagne, le Portugal et l’Irlande, pour avoir davantage de poids. La fédération commence à être reconnue comme une organisation technique, chargée du sanitaire au quotidien. On nous questionne sur la fièvre aphteuse, la peste porcine… Une mission très importante est d’informer les décideurs sur les problèmes de terrain, notamment les directives non applicables. Mercredi (hier, NDLR), je rencontre à Pau des responsables bruxellois de la DG Sanco, à propos de la tremblante du mouton. Une directive européenne a entraîné l’élimination d’un élevage de 2 500 chèvres dans le Centre de la France, à cause d’un seul cas positif. C’est aberrant.
Les éleveurs sont amenés à sous-déclarer la maladie. L’année 2003 a permis de coordonner diverses actions techniques, afin d’alléger les coûts. Concernant la paratuberculose, un problème commun à tous, des économies sont réalisables. Nous avons aussi travaillé sur l’élargissement de l’UE. Dans les pays concernés, les administrations sont bien au courant, les vétérinaires le sont à peu près aussi, mais pas les éleveurs. La difficulté est alors de trouver les bons interlocuteurs pour entamer des programmes de coopération. Notre expérience doit leur être utile. Gérer efficacement les aspects sanitaires impose de s’organiser collectivement. Le message est difficile à faire passer chez des personnes sorties du communisme.
LM : Quelles sont vos priorités pour 2004 ?
B. T. : Concernant les futurs Etats membres, l’objectif est d’inviter leurs représentants à voir en France comment s’organise l’identification, la traçabilité. La Tchéquie, la République tchèque ont déjà mis en place une identification des animaux. Ce n’est pas le cas de la Pologne, dépourvue d’une vraie sécurité sanitaire des aliments. Dans un deuxième temps, on envisage d’aller chez eux pour y entreprendre des actions, comme la diffusion d’un almanach aux éleveurs, contenant les principales recommandations.
Dans le domaine des maladies réputées contagieuses, les pays de l’Est sont meilleurs que ceux de la vieille Europe. Un héritage de l’Etat communiste. En comparaison, l’Irlande, le Royaume-Uni sont confrontés à la tuberculose, l’Italie est touchée par la brucellose. D’autres actions prioritaires seront menées en 2004, notamment par deux commissions techniques, consacrées au bien-être animal en cours de transport et à l’identification électronique des bovins. S’agissant du premier, il est important de ne pas subir la pression de certains groupes, qui mélangent tout : écologie, bien-être du consommateur, de l’animal. Un maximum de possibilités doit être mis sur la table, en précisant ce qui est possible de faire et ce qui ne l’est pas. En matière d’identification électronique des bovins, le dispositif doit être fiable à 100 %. Plusieurs problèmes restent à régler. Sur le plan technique, la difficulté est d’éviter une dérive dans le corps de l’animal. Les élevages doivent s’équiper en lecteurs. Un frein économique existe : le coût de l’identification électronique est deux à trois fois plus élevé.