La facturologie, une discipline en constante évolution
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu, le 6 septembre 2011, un arrêt d’importance concernant toutes les ristournes et remises conditionnelles. Un rappel de l’environnement juridique et de la jurisprudence en la matière est nécessaire pour comprendre la portée de cet arrêt.
Rédaction Réussir
Avant la loi Dutreil du 2 août 2005, seules les remises figurant sur facture pouvaient être déduites du seuil de revente à perte. D’après le code de commerce, une remise ne pouvait figurer sur une facture que si elle était acquise au moment de la vente. Dans bien des cas, une telle condition ne posait pas de problème parce que la remise était inconditionnelle, ce qui est par exemple le cas d’une remise de base.
Pour les remises conditionnelles, la question était plus épineuse. La jurisprudence considérait que de telles remises ne pouvaient jamais entrer dans le seuil de revente à perte, puisqu’elles n’étaient pas acquises au moment de la vente, la condition n’étant pas réalisée.
Les juridictions du fond avaient essayé d’assouplir le système, en développant une notion de ristournes « de principe acquis », même si, d’après la convention des parties, le calcul définitif ne se faisait qu’en fin d’année.
Cela revenait à considérer qu’une ristourne, présentée comme conditionnelle en début d’année, perdait son caractère conditionnel en cours d’année, même si la liquidation des droits intervenait ultérieurement.
Mais dans tous les cas, une ristourne purement conditionnelle ne pouvait jamais figurer sur une facture et, par conséquent, ne pouvait jamais impacter le seuil de revente à perte.
Avec l’entrée en vigueur de la loi Dutreil, tout change ! Cette loi, largement commentée à l’époque, permet de réintégrer dans le seuil de revente à perte tous les avantages financiers, dans le but avoué de voir les prix baisser significativement au détail. In fine, la présence sur une facture d’une remise purement conditionnelle n’est plus interdite, mais la pratique est lente à prendre la pleine mesure de ce changement.
Un « revirement »
Dans le cas présent, un fournisseur avait facturé des véhicules vendus en déduisant des remises sur objectifs. Pour s’opposer au remboursement, le distributeur s’était fondé sur l’ancienne réglementation et l’ancienne jurisprudence, en considérant que si de telles remises avaient été facturées et déduites, c’est qu’elles étaient dues. La cour d’appel de Poitiers a rejeté ses prétentions et la Cour de cassation a confirmé.
On peut parler d’un revirement, mais il s’agit surtout d’une adaptation de la jurisprudence à une loi en vigueur depuis 2005 !
Par un attendu de principe d’une exceptionnelle netteté, la Cour de cassation précise que « l’article L.441-3 du code de commerce dispose que la facture doit mentionner toute réduction de prix acquise à la date de la vente mais n’interdit pas d’y faire figurer une remise conditionnelle ».
Autrement dit, les dispositions de l’article L.441-3 ont changé de nature. Hier, elles correspondaient à un recensement exhaustif du contenu des factures, alors qu’aujourd’hui il est possible de faire figurer d’autres éléments.
C’est un premier enseignement de l’arrêt, qui amène à s’interroger sur les conséquences à tirer de la présence sur une facture d’une remise conditionnelle. Doit-elle être considérée comme acquise ? Ici aussi, la Cour de cassation surprend, car après avoir affirmé qu’une remise conditionnelle pouvait figurer sur une facture, elle précise que la mention d’une remise conditionnelle sur la facture ne signifie pas automatiquement que cette remise soit acquise.
Au-delà d’un simple revirement de jurisprudence, il s’agit surtout d’un changement de culture… qui doit conduire à être extrêmement vigilant dans la rédaction des contrats sur lesquels on veut pouvoir s’appuyer pour régler de tels différends.