La contractualisation au secours de la filière viande
Après avoir réuni la filière porcine le 27 août pour travailler à la rénovation des relations commerciales, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a rencontré Paul Auffray, le président de la Fédération nationale porcine, le 23 septembre pour évoquer de nouvelles formes de contractualisation. « On ne s'en sortira pas si on ne fait pas évoluer le modèle de l'organisation porcine dans son ensemble », a déclaré le ministre de l'Agriculture, lors de la conférence de presse qui a suivi la rencontre. « Il faut que l'on explore de nouvelles formes d'organisation », a-t-il fait savoir et « cibler des niches, des demandes spécifiques ou des marchés à l'exportation ».
Son cheval de bataille : la contrac-tualisation tripartite, producteur-industriel-grande distribution, sans discréditer le marché de Plérin. « Nous ne partons pas de zéro », commente Francis Amand, le médiateur des relations commerciales agricoles. « Il y a certainement de bonnes choses à prendre ici ou là. » Pour cela, la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises a envoyé un questionnaire à l'ensemble de la filière porcine, des fabricants d'aliments aux distributeurs, en passant par les producteurs, les opérateurs de la transformation et la restauration hors foyer. Disponible également sur le site Internet du ministère de l'Agriculture, il doit permettre de recenser les attentes des différents maillons de la filière et d'identifier les obstacles et les leviers à la contractualisation. Il sera complété par des entretiens avec des acteurs identifiés, notamment au sein de l'interprofession. « Il n'y a pas de contrat unique, mais on doit pouvoir trouver des orientations en combinant ce qui fonctionne », indique Francis Amand. À partir des réponses au questionnaire et des entretiens, le ministère proposera d'ici un mois un guide des bonnes pratiques de la contractualisation dans la filière porcine.
Mise en place de caisses de sécurisationPrenant l'exemple du contrat « swap de valeur porc jambon » entre Herta et le groupement de producteurs Syproporcs, le ministre de l'Agriculture a par ailleurs lancé un appel à manifestation d'intérêt pour mettre en place des expérimentations de contrats entre acteurs volontaires et étudier celles qui existent déjà.
Contractualisation tripartite, caisses de sécurisation, plateforme à l'export... Les filières bovines et porcines étudient plusieurs solutions pour sortir de la crise. Les opérateurs attendent aussi de l'Union européenne la mise en place d'outils de régulation des marchés et une décision en matière d'étiquetage de l'origine des viandes dans les aliments transformés.
“ On doit pouvoir trouver des orientations en combinant ce qui fonctionne
Pour assurer les opérateurs face ” aux risques liés à la contractualisation, Stéphane Le Foll a annoncé « des mesures fiscales avantageuses » pour mettre en place des caisses de sécurisation. Abondées par les contractants, elles permettront d'amortir les effets de la fluctuation des prix des produits à tous niveaux, de l'ali-ment pour animaux à la pièce de découpe. « Il s'agira d'un tunnel autour du prix du marché », explique Francis Amand. « Si un des deux contractants s'enrichit trop par rapport au prix du marché, il remet un peu d'argent dans la caisse de sécurisation, dont pourra bénéficier celui qui est lésé. » « Nous réfléchissons encore au problème d'amorçage de la caisse », ajoute-t-il. Pour le moment, il n'a pas encore été décidé de qui s'occuperait de cette caisse. Une proposition similaire devrait être faite à la filière bovine d'ici une semaine, selon Stéphane Le Foll.
Des abatteurs frileux« Les pouvoirs publics essayent de trouver des solutions », mais « ce n'est pas la contractualisation qui va nous aider à sortir de la crise », réagit Paul Rouche, directeur délégué du Sniv-SNCP, évoquant un problème conjoncturel de baisse de la demande. « Il ne peut y avoir contractualisation que s'il y a un engagement de prix pour les éleveurs et de volumes pour nos clients. » Mais « il nous faudrait un engagement sur 100 % de nos volumes », indique-t-il, doutant de l'accord des salaisonniers. « Sur l'export, qui représente 30 % de nos débouchés, nous ne pourrons pas contractualiser. Nous avons donc 65 % de notre marché qui n'est pas couvert. »
“ Il nous faudrait un engagement sur 100 % de nos volumes
” Pour Paul Rouche, les seuls contrats qui pourraient fonctionner seraient entre fabricants d'aliments et éleveurs de porcs. « On pourrait trouver des distributeurs qui veulent s'engager sur la longe de porc, mais cela ne repré-sente que 25 % de nos débouchés », complète-t-il.
Interrogé sur les réticences de certains maillons, Francis Amand répond que « personne ne bloque vraiment mais tout le monde a ses difficultés ». Il reconnaît que la contractualisation ne pourra pas concerner toutes les pièces, mais cite l'exemple de McDonald's, qui, intéressé par les pièces avant du bœuf, achète des animaux entiers avec des partenaires. Même si le chantier est encore long, « nous avons déjà fait un grand pas en popularisant l'idée de contrat », admet-il.