Fruits et légumes frais : la modération des marges de distribution
La volonté du gouvernement de répondre à la préoccupation des producteurs sur la répercussion des baisses de prix en période de crise s’est traduite par l’article 15 de la loi n° 2010-874 de modernisation de l’agriculture et de la pêche (LMAP), lequel modifie le dispositif de modération des marges de distribution des fruits et légumes frais. Le décret n° 2011-553 du 20 mai 2011 en précise les contours, après avoir fait l’objet d’un avis de l’Autorité de la concurrence.
Rédaction Réussir
Le mécanisme instauré s’articule autour de la mise en place d’une taxe additionnelle sur les surfaces commerciales (article 302 bis ZA du code général des impôts) dont sont exonérés les distributeurs parties à des accords de modération des marges (qui remplacent les anciens engagements de répercussion des baisses de prix) passés avec l’État.
Dans le cadre d’un tel accord, le distributeur s’engage, lorsqu’un produit est entré en crise conjoncturelle (c’est-à-dire lorsque le prix de cession par les producteurs est anormalement bas par rapport aux moyennes antérieures : voir à ce sujet l’article L611-4 du CRPM1 et le décret du 20 mai 2005), à réduire la « différence entre le prix de revente hors taxe au consommateur du produit et son prix d’achat hors taxe », afin que le taux de marge brute sur ce dernier soit inférieur ou égal à la moyenne sur trois ans des taux de marge brute du rayon des fruits et légumes frais.
Le décret du 20 mai 2011 précise la durée de ces accords (un an), définit taux de marge brute et taux de marge brute moyen du rayon, et précise que la modération doit être mise en œuvre dans les trois jours qui suivent le début de la période de crise, jusqu’à l’achèvement de celle-ci, sur information du ministre de l’Agriculture.
L’incitation fiscale suffira-t-elle à contrebalancer la crainte de la sanction ? La question peut se poser puisque le non-respect d’un tel accord ou le retard dans sa mise en œuvre sont sanctionnés par une amende civile pouvant atteindre deux millions d’euros…
L’avis mitigé de l’Autorité de la concurrence
L’Autorité de la concurrence, dans son avis n° 11-A-04 du 25 février 2011 (JORF du 21 mai 2011), avait conclu à la conformité du schéma de modération des marges ainsi instauré au règlement (CE) n°1234/2007 dit « OCM unique »2 ainsi qu’aux règles du droit de la concurrence.
Cependant, elle soulignait que tout dispositif de régulation des prix ou des marges pouvait induire des effets de contournement et des coûts de contrôle pouvant s’avérer pénalisants pour les producteurs eux-mêmes. Elle soulignait notamment que limiter la marge brute sur les produits en crise pourrait dissuader les distributeurs de mettre en avant ces produits ou les conduire à augmenter le prix de revente des produits non concernés. Elle craignait également que les coûts induits chez les distributeurs par les contrôles rendus nécessaires puissent les conduire à augmenter leurs prix pour les fruits et légumes frais.
Et l’autorité renouvelait son souhait d’une lutte plus efficace contre la volatilité des prix des produits concernés, notamment par une meilleure contractualisation, une meilleure organisation de l’offre et une plus grande concurrence entre enseignes.
Aurait-on voulu une fois encore, par la mise en place d’un mécanisme complexe, celer les symptômes plutôt que guérir le mal ?
1. CRPM : code rural et de la pêche maritime.
2. OCM : organisation commune des marchés dans le secteur agricole.