Système U
Dominique Schelcher : « Trouver une nouvelle péréquation des prix »
Moins d’un an après son évolution à la présidence de Système U, Dominique Schelcher répond aux Marché Hebdo, commentant les résultats de l’enseigne en 2018 et la manière dont elle appréhende la loi Alimentation.
Moins d’un an après son évolution à la présidence de Système U, Dominique Schelcher répond aux Marché Hebdo, commentant les résultats de l’enseigne en 2018 et la manière dont elle appréhende la loi Alimentation.
Les Marchés Hebdo : Vous avez vu votre chiffre d’affaires progresser de 2,3 % à 19,94 milliards d’euros en 2018 à parc non constant avec une progression de 0,1 % de part de marché. À quoi attribuer ces bons résultats malgré la fin du partenariat avec Auchan ?
Dominique Schelcher : On attribue ces résultats aux ingrédients forts du modèle de Système U qui correspondent aux besoins du marché. Nous sommes des patrons qui partons de discussions du terrain. Les décisions sont prises en connaissance de cause. Nous sommes une enseigne de proximité, des territoires, là où sont les gilets jaunes. La moitié de nos points de vente sont dans des communes de moins de 5 000 habitants. Nous soutenons des équipes sportives locales. Nos bons résultats proviennent aussi de notre approvisionnement en moyenne à 20 % local et ce, grâce à un travail de sourcing en profondeur que seuls les indépendants peuvent faire. Un résultat provenant aussi de la prise en compte du mieux-manger. Aujourd’hui, cette tendance explose complètement : 80 % des gens font le lien entre leur assiette et la santé. Nous, cela fait plus de dix ans que l’on travaille là-dessus. Et on a quasiment enlevé 80 substances controversées de tous nos produits sous marques U. C’est vrai que l’on est sur un marché pas facile, mais nous ne sommes pas présents sur le segment des grands hypermarchés. Nos hypermarchés, à taille humaine, résistent mieux.
LMH : Quelle est l’évolution de votre parc ?
D. S. : L’an dernier, le parc s’est agrandi de 30 sites, essentiellement des magasins de proximité, avec des ralliements et quelques créations. Ce sera plus important l’an prochain avec 25 créations et 50 ralliements.
Le mouvement des gilets jaunes nous a fait perdre 50 millions d’euros
LMH : Comment Système U a-t-il traversé la période perturbée des gilets jaunes ?
D. S. : Sans le mouvement des gilets jaunes, nous aurions dépassé la barre des 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le mouvement nous a fait perdre 50 millions d’euros. Certains sites étant très affectés et d’autres moins. Mais on ne se plaint pas.
Hausse du SRP : 7 % de l’assortiment concerné
LMH : Le 1er février est entrée en application la seconde phase de la loi Alimentation avec le relèvement du SRP, comment cela s’est-il traduit dans vos magasins ? Combien de produits sont concernés par une hausse de prix ?
D. S. : Chez nous, environ 1 500 à 1 700 produits sont concernés selon la taille des magasins, soit en moyenne 7 % de l’assortiment. Ce sont certes quelques produits symboliques. Mais c’est le contrat. Ce qu’il faut rappeler, c’est le sens de tout cela. Ce qui est recherché par la mise en place de cette loi, c’est la construction d’un nouvel équilibre dans les magasins au profit d’une meilleure rémunération des producteurs.
LMH : Oui, mais comment compenser pour ne pas trop pénaliser le budget des ménages ?
D. S. : Nous avons décidé de proposer durant tout le mois de février un avantage de 5 % en euro carte U sur la totalité des produits U du rayon épicerie. C’est tout à fait de nature à compenser le petit supplément lié au relèvement du SRP.
LMH : Dans le cadre de cette loi Alimentation et de la redistribution des cartes entre les marques, quelle évolution Système U imprime-t-il à sa politique de MDD ?
D. S. : Le but, c’est de trouver une nouvelle péréquation des prix avec un peu plus de marges sur certains produits et un peu moins sur d’autres, ce qui va permettre de répercuter de bons prix sur les produits agricoles. Mais il faudra quelques mois pour que cela se mette en place. Ces derniers temps, le niveau des promotions étant fort sur les grandes marques, il y a eu un regain d’intérêt pour elles au détriment des MDD. On va désormais sans doute assister au contraire. On va accentuer la communication sur les MDD, pilier de la fidélisation. L’an dernier, la marque U a gagné 3,8 % en valeur, résultat de la croissance en confiance, on va continuer à capitaliser là-dessus.
L’usine Schreiber est en fin de travaux
LMH : Et concernant les relations avec le monde agricole, la filière laitière notamment, comment se passent les négociations commerciales, avec la prise en compte d’indicateurs de production ?
D. S. : On était déjà dans cet état d’esprit l’an dernier. On avait déjà fait une grande partie du chemin. Mais on était les seuls, du coup un peu décalés en matière de prix. Nous sommes dans la continuité cette année. Quand nous avons la garantie que les hausses de prix vont redescendre vers l’amont, on accepte.
LMH : En parlant de produits laitiers, où en êtes-vous de votre partenariat avec l’industriel américain Schreiber pour la production de yaourts à marque U ?
D. S. : L’usine est en fin de travaux. On fera un évènement avec la presse au mois de juin 2019. Les produits arriveront en magasins à la rentrée. On a déjà trouvé localement des accords avec les producteurs pour approvisionner l’usine avec un cahier des charges qualitatif. Ce sera une grande preuve de ce que l’on est capables de faire.
LMH : En début d’année, les traditionnelles promotions sur le porc ont été très offensives chez certains de vos concurrents indépendants, comment maintenir une position légaliste sans perdre des parts de marché ?
D. S. : Pour nous, ce qui compte, c’est la cohérence. Respecter l’état d’esprit des états généraux, ce n’est pas faire de la communication sur les accords sur le lait et dès les premières opérations de janvier brader le porc. Sans doute que cela nous a pénalisés, mais à un moment, il ne faut pas bouger les lignes. On a tous une responsabilité, une pédagogie à faire envers les clients. On a prévenu nos chefs bouchers.
LMH : Vous dites prévoir une baisse de la consommation des ménages en 2019, comment s’en sortir quand même en tant que distributeur ?
D. S. : Dans la constitution du budget, j’ai pris l’hypothèse d’une consommation PGC (produits de grande consommation, ndlr) en légère baisse. Ce qui n’empêchera pas l’enseigne de poursuivre sa croissance, d’autres produits progresseront comme ceux issus des PME.
Le contre-pied de Michel-Édouard Leclerc
Tous les regards se sont tournés vers Michel-Édouard Leclerc quand Le Parisien a publié le 30 janvier sa liste de 24 produits de grande consommation dont le prix allait augmenter au 1er février avec la loi Alimentation, citant les confidences d’un distributeur. Michel-Édouard Leclerc ne s’en cachant même pas et courant les plateaux TV et interview, pour déclarer, comme au Télégramme, « il faut vraiment être trop con (sic !), à l’heure des gilets jaunes, pour rajouter des hausses des prix imbéciles sur les produits non agricoles ! » Comme Serge Papin avant lui, Dominique Schelcher prend le contre-pied : « la peur agitée par certains de dire tous les produits vont augmenter est fausse », écrit-il dans un communiqué. « U soutient cette loi depuis son origine parce qu’elle jette les bases de la pratique d’un commerce plus vertueux, plus redistributif et correspond en tout point à notre volonté de pratiquer un commerce autrement », ajoute-t-il.