Distribution alimentaire à Paris : les regrets de l’Autorité de la concurrence
Faisant suite à son précédent avis du 7 décembre 2010 *, l’Autorité de la concurrence a rendu le 11 janvier 2012 un nouvel avis (n° 12-A-01) relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de la distribution alimentaire à Paris.
Rédaction Réussir
Tel est pris qui croyait prendre : tel pourrait être le sens de l’avis prononcé par l’Autorité de la concurrence le 11 janvier dernier. Saisie par la Ville de Paris qui avait cru devoir s’emparer de l’avis de 2010 pour qu’en soient tirées les conséquences, l’Autorité constate une situation de concurrence qu’elle qualifie de « préoccupante » en ce qui concerne le commerce alimentaire dans Paris intra-muros, mais fait aveu d’impuissance.
L’Autorité commence par réitérer, en le précisant, son diagnostic de 2010 : selon elle, le marché parisien est « extrêmement » concentré intra-muros au profit du groupe Casino qui détiendrait, grâce à sa participation au capital de Monoprix, plus de 61,7 % des surfaces, soit trois fois celles de Carrefour, son principal concurrent, le rythme soutenu d’ouvertures de magasins ces dernières années n’ayant pas changé la donne. Casino contrôlerait plus de la moitié des magasins dans 54 quartiers sur 80 (plus de 80 % dans 11 quartiers), avec 375 points de vente, outre 64 relevant de Monoprix dont elle détient la moitié du capital, le tout correspondant à une fourchette de 50 à 70 % du marché en chiffre d’affaires. Le second, Carrefour, ne représenterait que 10 à 20 % en chiffre d’affaires et les autres moins de 10 %. Le groupe Casino conteste ces chiffres (il est vrai peu précis) en affirmant que sa part de marché n’excède pas 38,5 % et en relevant que le marché alimentaire parisien comprend aussi le commerce traditionnel ou spécialisé, l’e-commerce, les marchés ouverts et les hypers de périphérie.
Poursuivre l’abaissement des barrières à l’installation
Tout en observant que l’implantation de magasins concurrents a plus d’impact sur la rentabilité (baisse de fréquentation et hausse des coûts) que sur les prix, l’Autorité considère que les marges pratiquées au niveau de la centrale d’achat comme à celui du détail rendraient possible une diminution des prix si la concurrence était plus intense. À quoi le groupe Casino répond qu’il propose des prix très compétitifs, notamment à travers ses propres marques, et ne cesse d’innover pour répondre à la demande.
Dans le même temps, l’Autorité relève que la réussite du groupe Casino doit être imputée à sa stratégie et à ses mérites propres, par une politique cohérente de développement et de rachats de surfaces de proximité, tandis que ses concurrents avaient privilégié les grandes surfaces de périphérie et n’ont voulu investir intra-muros que tardivement. Elle souligne, et c’est essentiel, que sa préoccupation ne se fonde pas sur la mise en œuvre de comportements anticoncurrentiels, ce qui signifie qu’elle ne peut rien reprocher à Casino. Elle est dès lors condamnée à n’exprimer que des recommandations et des regrets.
Ainsi, elle estime nécessaire que soit poursuivi l’abaissement des barrières à l’installation pour fluidifier le marché, en supprimant la procédure d’autorisation pour les surfaces de plus de 1 000 m2. Surtout, elle relève qu’elle ne dispose pas de moyens de nature à faire évoluer la situation. Si, en effet, la loi de modernisation de l’économie (2008) lui donne un pouvoir d’injonctions structurelles en la matière (en clair, la possibilité d’exiger des fermetures ou des cessions de magasins), ce n’est qu’à titre de sanction et à condition que soit caractérisé un abus persistant et réitéré de position dominante ou de dépendance économique. Or, rien de tel n’a pu être relevé à l’encontre de Casino.
* Voir notre chronique dans LMH n° 100.