Distribution alimentaire en centre-ville : la montée des grandes enseignes
Si les hypermarchés de périphérie offraient il y a vingt ans des prix inférieurs de 15 % à ceux des commerces de proximité, la différence ne serait plus que de 5 %, alors que le souci écologique et la réduction de taille des familles modifient le paysage de la consommation : pour les grandes enseignes, il est temps de réinvestir les centres-villes !
Rédaction Réussir
Un avis de l’Autorité de la concurrence du 7 décembre 2010 (n° 10-A-26) et une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) ont conduit la mairie de Paris à saisir l’Autorité sur la situation du commerce alimentaire de centre-ville. Il existe deux types de magasins alimentaires à Paris : les commerces spécialisés (boucheries, poissonneries, épiceries...) et près de 2 000 commerces généralistes offrant une diversité de produits sur une surface globale de vente avoisinant 400 000 m2. De 2000 à 2010, une nette augmentation du nombre de supérettes a été observée : 205 étaient implantées dans Paris en 2005, contre 364 en 2010. 101 des 398 magasins parisiens du groupe Casino (Franprix, Monoprix, Monop, Leader Price, Casino, Petit Casino) et 39 des 156 magasins du groupe Carrefour (8 à Huit, Carrefour City, Carrefour Market, ED, Proxi, Shopi) ont été créés entre 2000 et 2010.
Paradoxalement, ce développement est un effet de la loi Raffarin (1996) qui a ramené de 1 000 à 300 m2 la surface de vente au-delà de laquelle une autorisation d’implantation de la commission d’urbanisme était obligatoire (depuis, la LME a repoussé ce seuil à 1 000 m2) : pour se développer sans contrainte, les grandes enseignes ont dû se tourner vers les petites surfaces et ont racheté les commerces alimentaires de proximité. Ceux-ci souffrent de cette implantation : on constate une baisse de 9 % du nombre de petites épiceries de quartier, de 16 % des boucheries et de 9 % des crèmeries-fromageries. Parallèlement, les enseignes ont développé la diversité et l’innovation et les habitudes des acheteurs se sont tournées vers un achat groupé de différents produits au sein d’un même point de vente.
Revoir les contrats d’affiliation
Sur le plan de la concurrence, le groupe Casino, dont les zones de chalandise couvrent quasiment tout Paris, est au centre de la bataille : il est le mieux implanté avec 60 % des superficies tandis que Carrefour, n° 2, n’en groupe que 20 %. Il lui est reproché de capter toute la clientèle et de créer des distorsions de concurrence. Même s’il conteste les chiffres retenus, le groupe domine le marché : c’est à l’Autorité de dire si cette domination a généré des pratiques abusives. Mais puisqu’elle s’est déjà prononcée une première fois, on peut d’ores et déjà anticiper ses conclusions.
Dans son avis, l’Autorité de la concurrence énonce en effet que « le niveau de concentration de nombreuses zones de chalandise est préoccupant ». Elle relève surtout les multiples obstacles à une fluidité du marché : la difficulté à trouver du foncier commercial, une réglementation rigide et les multiples clauses des contrats d’affiliation des magasins à leurs centrales d’achat qui empêchent un affilié de quitter une enseigne pour une autre. Elle dresse le bilan d’une concurrence affaiblie : « Si quatre opérateurs ou moins détiennent plus de 90 % des parts de marché ou si l’un d’eux possède une position dominante (Casino), le marché est considéré comme concentré et la concurrence affaiblie ». Mais elle ne fait que constater, sans relever en l’état aucun abus, se contentant de proposer de « libérer les magasins indépendants des contraintes extrêmement fortes qui les lient à leur tête de réseau, de façon à ce qu’ils puissent plus facilement changer d’enseigne ». À cette fin, elle invite les enseignes à revoir leurs contrats d’affiliation, et notamment la durée des clauses de non-concurrence et de non-rétablissement, et leur donne rendez-vous « dans six mois à un an ». À bon entendeur, salut !