Denrées exotiques : « Il faut mettre en place des systèmes résilients »
> Emmanuel Torquebiau, chargé de mission au Cirad.
Emmanuel Torquebiau : L'exemple du café indique clairement la diminution tendancielle de rendements en raison des risques croissants de sécheresse et de bio-agressions. Il y a des risques équivalents dans le cacao et la canne à sucre. Mais les changements climatiques affectent encore plus durement les agricultures vivrières qui nourrissent les populations.
LMH : Justement, quels facteurs permettront de concilier développement rural et culture de rente dans les pays tropicaux ou méditerranéens ?E. T. : L'agriculture dite « climato-intelligente » associe la sécurité alimentaire avec l'adaptation au changement climatique et l'atténuation de celui-ci ; ce sont ses « 3 piliers ». Pour satisfaire simultanément ces trois objectifs, il faut mettre en place des systèmes résilients, capables en premier lieu de tamponner les chocs climatiques. La position du Cirad est qu'ils doivent s'appuyer sur « l'intensification écologique » ou l'« agroécologie ». Respecter les équilibres, c'est essayer de ne pas artificialiser le milieu, trouver des modes de culture lui correspondant. C'est ne pas irriguer ou amender à outrance. On n'arrivera à maintenir des bons rendements que si l'on parvient à un équilibre avec l'environnement. C'est possible en diversifiant les cultures ou le paysage, en associant des zones de production et de protection pour, par exemple, favoriser les insectes pollinisateurs. La stratégie devient double : produire et ne pas épuiser le sol. Le stock de matière organique dans le sol est devenu stratégique, parce qu'il joue un rôle de tampon, il stocke l'humidité qu'il peut restituer en cas de sécheresse, et atténue aussi les émissions de gaz à effet de serre en conservant du carbone.