De nouveaux OGM « cachés » ?
La question que tout le monde se pose est de déterminer si les plantes obtenues à l'aide des NPBT (New Plant Breeding Techniques) doivent être considérées comme des OGM, ou pas. L'enjeu est de taille quand on connaît le caractère excessivement contraignant du cadre réglementaire des OGM. Pour rappel, la réglementation européenne définit un OGM comme étant un « organisme, à l'exception des êtres humains, dont le matériel a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle ».
La technique employée pour obtenir un OGM est simple, il s'agit d'introduire un gène étranger dans le génome d'une plante, afin de lui conférer une propriété particulière (technique de la « transgenèse »). La finalité des NPBT est la même, mais les processus diffèrent et ne reposent pas toujours sur l'introduction d'un ADN étranger. Ainsi, l'une des raisons qui expliquent la complexité de ce dossier réside dans le fait que les NPBT font appel à une multitude de techniques différentes et qu'elles ne peuvent donc pas faire l'objet d'une définition unique.
Huit techniques répertoriées
À ce jour, la Commission européenne fait état de huit techniques, réparties en trois catégories principales : les nouvelles techniques de modifications ciblées du génome, qui rassemblent les nucléases dirigées (dont les CRISPR) et la mutagenèse dirigée par oligonucléotides ; les techniques exploitant les mécanismes épigénétiques ; les éléments annexes à l'utilisation de techniques de modification génétique, qui comprennent notamment l'agro-infiltration et la cisgenèse. Ces diverses techniques reposent sur une particularité qui les différencie des OGM classiques : elles ne laissent pas de trace dans le génome final. Impossible donc de savoir si la plante a fait l'objet d'une modification génétique à la suite de l'intervention humaine, ou si elle n'a fait que naturellement muter, et c'est en raison de ce point fondamental que les avis divergent.
D'un côté, les industriels défendent l'idée que les plantes issues des NPBT ne peuvent être considérées comme étant des OGM, dès lors que leur génome final n'est pas modifié. D'un autre côté, les associations environnementales et de consommateurs considèrent, que les NPBT ne produisent rien d'autre que des « OGM cachés », et qu'il est indispensable de les soumettre à la réglementation s'y afférant. Dans un tel contexte, la décision définitive d'intégrer les NPBT dans la réglementation des OGM, revêt un caractère hautement sensible qu'aucune instance, européenne ou nationale, ne s'est risquée à prendre jusqu'alors. La Commission européenne, qui planche sur le dossier des NPBT depuis 2007, et qui a déjà repoussé l'échéance d'une décision à plusieurs reprises, devrait se prononcer sur leur statut juridique dans les semaines à venir, ou à tout le moins, publier, prochainement, une communication interprétative destinée aux États membres.
Démissions au HCB français
En France, la problématique des NPBT s'est également invitée assez « violemment » au sein du Haut Conseil des biotechnologies (HCB). La publication d'un rapport dans lequel le comité scientifique (CS) du HCB rendait un avis favorable à ne pas soumettre les NPBT à la réglementation OGM, a immédiatement entraîné la démission de l'un des membres du comité qui considérait que sa position divergente à l'encontre des NPBT n'avait pas été prise en compte dans le rapport final. Plus récemment, le vice-président du comité économique, éthique et social (CEES) du HCB et sept associations membres, ont également suivi le pas, estimant que la position du CEES, bien plus hostile à l'égard des NPBT que le comité scientifique, était constamment ignorée.
Et si les NPBT échappaient finalement à la réglementation OGM, comme la tendance actuelle semble le supposer, quel cadre réglementaire s'appliquerait alors à ces techniques révolutionnaires ?
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu'en contentieux, auprès des industries de l'agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l'Union européenne.