Confusion des genres
Pas de doute, Michel-Edouard Leclerc a frappé là où ça fait mal. En lançant une campagne très provocatrice sur la baisse du pouvoir d’achat « disponible » (défalqué des dépenses incompressibles comme le loyer et l’énergie), il a poussé deux ministres à sortir de leur réserve (lire notre article en page 3). Et en quels termes ! « Tartuferie », « démagogie », « populisme », a rugi Renaud Dutreil, le secrétaire d’Etat au commerce. « Faux », « malhonnête », a renchéri son ministre de tutelle, Francis Mer dès le lendemain. Le distributeur indépendant, lui, se félicite que sa campagne ait fait mouche. Elle a participé à lancer un débat auquel la grande distribution est très attachée (la révision de la loi Galland et son interdiction de la vente à perte) et… en faisant abondamment parler de son enseigne.
Mais on peut se demander si tout cela n’est pas cher payé, tant, à l’occasion de cette polémique, les uns et les autres ont semblé sortir de leur rôle. D’abord Leclerc lui-même. En choisissant de lancer ce débat en pleine période pré-electorale, le vibrionnant communicateur est entré, quoi qu’il s’en défende, dans la campagne des régionales. La violence de la réaction des ministres du gouvernement Raffarin ne laisse pas de doute à ce sujet. Les deux ministres ont compris que cette attaque portait un sérieux coup aux argumentaires électoraux de la majorité. A cette occasion, des propos pas très heureux dans la bouche de ministres impartiaux ont également été prononcés, par exemple sur le caractère obsolète du modèle français de distribution. Dans un cas comme dans l’autre, dans leur magasin ou dans l’isoloir, ce seront les Français qui, de toute façon, prononceront le fin mot de cette polémique.