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Chronique
Concurrence : nouvelles lignes directrices sur les sanctions

L’Autorité de la concurrence a rendu public le 30 juillet 2021 ses nouvelles lignes directrices sur les sanctions, qui abrogent les précédentes. Quelle est la fonction de ce document ? Quelle est, surtout, sa place dans l’environnement juridique ?

Didier Le Goff, avocat
Didier Le Goff, avocat
© DR

En cas d’entente, d’abus de position dominante ou encore de pratiques de prédation, le Code de commerce habilite l’Autorité de la concurrence à infliger des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux associations d’entreprises. La loi (article L464 – 2 du Code de commerce) fixe quatre critères permettant à l’Autorité de la concurrence d’apprécier le quantum des sanctions qu’elle inflige : la gravité des faits ; la durée des pratiques ; la situation de l’association d’entreprises ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel appartient l’entreprise ; l’éventuelle réitération de pratiques prohibées par les règles de concurrence.

Mieux comprendre

C’est dans ce cadre qu’interviennent les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence. Celles-ci, d’après l’Autorité de la concurrence elle-même, visent à accroître la transparence en faisant connaître par avance la façon dont l’Autorité exerce son pouvoir de sanction à l’intérieur du cadre prévu par la loi. Ces lignes directrices permettraient donc aux intéressés de mieux comprendre comment sont fixées les sanctions pécuniaires, à tous les acteurs économiques d’anticiper les risques financiers associés à la commission d’infractions et aux juridictions d’effectuer plus aisément leur mission de contrôle.

Mais l’Autorité de la concurrence conserve toute indépendance pour se départir de ces lignes directrices pour apprécier une situation particulière. Il en résulte donc que ces lignes directrices ne constituent pas une norme contraignante en tant que telles, ce qui nous conduit à introduire la distinction entre la « hard law » (loi dure) et la « soft law » (loi douce).

Cette distinction nous vient du droit anglo-saxon où la loi dure désigne l’ensemble de règles rigides applicables sur un territoire donné à un moment donné. Contrairement à la loi douce, dont la valeur juridique se pose – il est vrai avec une moins grande acuité dans les pays de droit anglo-saxon où le corpus de normes écrites est très peu développé, par opposition à notre droit d’origine latine qui est principalement écrit et dont la production est très réglementée par notre Constitution.

Néanmoins, cette influence se fait sentir dans notre droit également, et les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence en sont l’illustration, puisque si la loi lui attribue le pouvoir d’infliger les sanctions, elle ne lui attribue pas le pouvoir de définir des normes.

Qu’est-ce donc que ce document ?

Pendant très longtemps, la jurisprudence administrative a considéré que les lignes directrices n’imposaient pas de règles impératives aux administrations, mais proposaient simplement des orientations générales qui n’étaient donc pas susceptibles de recours devant le juge de l’excès de pouvoir. Il était admis que l’impossibilité d’un recours résultait également de ce que ces documents ne produisent pas d’effet direct sur les administrés, de sorte qu’ils ne pouvaient être perçus comme des actes faisant grief.

Dès 1951, le Conseil d’État admettait que les lignes directrices ne créaient pas de conditions nouvelles, puisque l’administration était toujours libre de s’en départir pour apprécier chaque situation au cas par cas. Mais par un arrêt du Conseil d’État en date du 12 juin 2020, tout change !

Le Conseil d’État affirme en effet que : « Les documents de portée générale émanant d’autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, note, présentation ou interprétation du droit positif, peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés, le cas échéant de les mettre en œuvre. Ont notamment ce caractère ceux de ces documents qui ont un caractère impératif où présentent le caractère de lignes directrices. »

Par conséquent, les lignes directrices, qui par principe n’étaient pas susceptibles de recours, sauf exception, sont depuis 2020 susceptibles de recours.

L’apport de cet arrêt est double : d’une part, il donne un cadre unique à l’ensemble de ces documents émis par l’administration en dehors du cadre de la procédure législative définie par nos institutions. D’autre part, il autorise le recours contre de tels actes s’ils sont susceptibles d’avoir des effets notables sur les droits ou la situation d’autres personnes que les agents chargés de les mettre en œuvre, ce qui, s’agissant des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence, est nouveau, car les précédentes dataient 2011.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de vingt-cinq années, dont près de vingt ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé en 2016 une structure dédiée à l’entreprise, pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire. Il a fondé, en 2018, avec quatre confrères de spécialités et barreaux différents, une plateforme dédiée aux segments de marché de l’agroalimentaire. www.dlegoff-avocat.fr. 24 bis, rue Greuze, 75116 Paris.

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