Comment renouveler l'offre et la clientèle de l'épicerie fine
Concurrencés par l'arrivée des sites de e-commerce et des pure players sur le marché, les magasins d'épicerie fine cherchent à renouveler leur offre et leur concept. En GMS, le secteur a progressé de 8 % l'an dernier, grâce à un effet valeur important. Ce dynamisme offre de nombreuses opportunités de croissance aux fabricants d'aliments fins. Enquête.
La demande en produits d'épicerie fine se maintient. Considérés comme des produits « plaisir », les aliments fins continuent de séduire. « Les consommateurs cherchent de plus en plus des produits de qualité. Pour eux, c'est synonyme de savoir-faire et de traçabilité. Ils s'intéressent à la manière dont les produits sont conçus, à la filière d'approvisionnement », explique Marie Bevillon, dirigeante de La Sablaise. Le marché, toujours en plein développement, offre de nombreuses opportunités de croissance, en particulier grâce à la multiplication des circuits de distribution. « Depuis quelques années, le marché a beaucoup évolué. De nouveaux magasins proposent des produits dits d'épicerie fine, comme les magasins de décoration ou les jardineries. La grande distribution aussi se développe », note pour sa part Franck Bedouin, dirigeant de la Biscuiterie de Provence.
La concurrence des « pure players »Les épiceries fines cèdent toujours plus de terrain aux grandes surfaces alimentaires, mais également à de nouveaux venus dans le secteur, les sites de e-commerce et les « pure players » comme Vente-privée ou Showroomprivé. Ces derniers sont critiqués pour leur méthode de destockeurs, mais nombre d'entreprises cèdent à la tentation d'une opération ponctuelle, et y trouvent leur compte en termes de communication (lire p. 12). « Nous avons déjà participé à une opération sur Vente-privée. Le seul intérêt est de faire connaître la marque auprès d'une clientèle principalement francilienne et jeune, alors que ce n'est pas notre clientèle traditionnelle. Mais c'est une opération blanche en termes économiques pour l'entreprise », raconte Franck Bedouin.
“ C'est une opération blanche en termes économiques
D'autres au contraire refusent de participer à ce genre d'expérience de peur de banaliser leur offre. « Nous avons refusé leurs avances, car nous travaillons notre image d'épicerie fine. Cela serait incompréhensible de brader nos produits. Les consomma” teurs ne comprendraient pas que nos prix soient différents ailleurs. C'est encore pire quand on travaille du poisson comme nous. Les matières premières ont plutôt tendance à augmenter. Cette année, nous avons eu une très mauvaise campagne sur le thon. Nous n'allons pas en plus casser les prix », considère Marie Bevillon. La dirigeante souhaite davantage nouer une relation de confiance avec des magasins d'épicerie fine. « Alors que ces magasins font l'effort de mettre en avant des produits, ils doivent être écœurés de les retrouver sur Internet », conclut-elle.
L'innovation comme moteur de différenciationFace à ce nouvel environnement concurrentiel, les magasins d'épi->> cerie fine cherchent à renouveler leur offre et leur concept. Ils tentent de jouer la carte de la « premiumisation » et de l'innovation. Les grands réseaux tel que Lafayette Gourmet rénovent leur concept afin de monter toujours plus en gamme. Il en est de même des luxueuses signatures tels que Fauchon ou Hédiard à Paris. Les magasins s'ouvrent notamment aux produits régionaux, et sont preneurs d'innovations.
« Les magasins cherchent de nouveaux produits. Ils font l'effort de s'intéresser », estime Marie Bevillon.
“Nous pouvons parler du produit, ils s'intéressent à la matière première
” L'offre proposée par les fabricants se fait plus large, moderne et innovante notamment dans les packagings. La Sablaise vient ainsi de mettre au point une mousse de palourdes farcies, pour laquelle elle a obtenu « l'Épicure d'argent » dans la catégorie produits mer et pêche dans le cadre du concours organisé par Le Monde de l'épicerie fine. « La recette est originale et la méthode de fabrication préserve les qualités de la palourde », explique Marie Bevillon. Les palourdes sont décortiquées à froid à haute pression, selon une méthode mise au point par l'entreprise Cinq degrés ouest.
es Marchés Hebdo : Vous avez réalisé eux opérations avec Miam Miam, le ite dédié aux produits gastronomiques e Vente-privée.com. Pour quelles aisons ?
Boris Rochas : La Fédération régionale des industries agroalimentaires en Paca (Friaa Paca, ndlr)
« Les marges sont très très basses avec les opérations Miam Miam. Nous les avons faites pour la communication »
nous a informés de la tenue d'une journée de sélection des directeurs de région de Vente-privée sur Avignon. Nous nous sommes présentés et notre dossier a été validé. Il faut savoir que le site programme ses ventes deux à trois mois à l'avance. C'est très planifié. Après validation du dossier, les négociations commencent. Cela prend entre trois et cinq heures, car ils nous font visiter tous les locaux (logistique, studio photo, rencontre avec les commerciaux, etc.). La négociation tarifaire en elle-
même peut durer une heure et demie. Un dossier est ensuite envoyé à l'entreprise avec notamment les quantités nécessaires pour une vente de cinq jours, ainsi que la prévision d'un stock supplémentaire si les quantités initiales sont écoulées avant la fin de la vente. Les marges sont très très basses avec ces opérations, mais nous les avons faites pour la communication. Nous avons mis en vente toute notre gamme de produits d'épicerie fine (pâtés, terrines, plats cuisinés…).
Le concours a également primé le Délice de l'amandier nature de la Biscuiterie de Provence, qui a obtenu « l'Épicure d'argent » dans la catégorie biscuits sucrés. Il s'agit d'une recette réalisée sans gluten à base de beurre de baratte, d'amandes du bassin méditerranéen et d'extrait pur de vanille. « Avec les magasins d'épicerie fine, nous pouvons parler du produit. Ils s'intéressent d'abord à la matière première, à la fabrication et ensuite au prix », explique Franck Bedouin. Ce qui ne signifie pas pour autant que les marges y sont plus intéressantes pour une entreprise. « Même si on parle de produit haut de gamme, il y a quand même un seuil psychologique à ne pas dépasser. Les produits d'épicerie fine restent des produits un peu plus chers, mais il faut qu'ils soient un petit plaisir abordable. Et les volumes commercialisés étant plus petits qu'en grande distribution par exemple, les marges ne sont pas plus importantes », ajoute le dirigeant de la Biscuiterie de Provence.