Céréales : la réglementation sur les mycotoxines en question
Le deoxynivalenol (DON pour les intimes) pourrait bien poser des problèmes à la filière céréalière. Derrière ce nom à la prononciation délicate se cache une mycotoxine, sécrétée par le Fusarium, un champignon des céréales qui se développe dans l’humidité. Les discussions actuelles d’un groupe d’experts de la Commission européenne visent à établir de nouveaux seuils limites pour les céréales à destination de la consommation humaine. Ce sont précisément ces seuils, que les experts souhaiteraient abaisser, qui ont provoqué des réactions conjointes de l’Inra et des céréaliers français, inquiets des répercussions de telles mesures. En cas d’aléas climatiques (année humide par exemple), de « 10 à 40 % de la production pourrait localement passer en dessous des seuils et risquerait d’être déclarée non commercialisable », nous a confié Vincent Magdelaine, directeur économique à la FFCAT (Fédération Française des Coopératives Agricoles de Collecte d’Approvisionnement et de Transformation). Au cœur du problème, la redéfinition des valeurs limites. Jusqu’en mai, les chiffres évoqués par la Commission étaient de 1 500 ppb (parties par milliard) pour le blé tendre et de 2 000 ppb pour le maïs et le blé dur. Une position difficilement acceptable pour Intercéréales, qui demande un délai avant la fixation d’un seuil sur le maïs vu le manque de connaissances sur le développement des mycotoxines sur cette céréale.
Une question d’ajustement
Sous l’impulsion des pays du Nord, plus sécuritaires, les propositions ont encore été diminuées de 500 ppb, débouchant sur un seuil « extrêmement bas qui pénaliserait la production dans l’ensemble des pays, y compris ceux à l’origine d’une telle baisse », selon la FFCAT. La fédération ajoute qu’en cas d’année défavorable sur le plan climatique « ces nouveaux seuils risquent d’exclure une part importante de la récolte sans pour autant assurer plus de protection pour le consommateur ». Un argument également avancé par Pierre Galtier, directeur de recherche au laboratoire de Pharmacologie-Toxicologie de l’Inra. « Jusqu’à présent, au niveau animal, nous n’avons pas de preuves scientifiques que le DON soit cancérogène, il ne devrait donc pas l’être pour les humains ». Lors d’un débat sur les mycotoxines en novembre, le chercheur déclarait qu’a ses yeux, la réglementation devait « tenir compte de l’absence de preuves du caractère cancérogène du DON et être moins sévère». « Il est normal que la Commission obéisse au principe de précaution, mais c’est une question d’ajustement», complétait M. Galtier. La filière française a déjà établi une position commune et mis sur pied un argumentaire technique, selon lequel les seuils existants respectent déjà la législation de 500 ppb de DON dans les produits finis.
Par ailleurs, une telle diminution serait difficile à appliquer en l’absence de méthodes d’analyses et de d’échantillonnage conciliant fiabilité et coût raisonnable pour des seuils de DON aussi bas. « Il serait actuellement impossible d’assurer une logistique et un contrôle efficace pour de telles valeurs. Même le Codex Alimentarius a pointé ce problème du doigt », ajoute Vincent Magdelaine. Mais la décision finale, qui devrait intervenir d’ici six mois, a encore le temps d’évoluer. Car « nous avons affaire à un dossier actif», concluait le directeur économique de la FFCAT.