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Cacophonie autour du médiateur des relations commerciales

Institution a priori utile et conforme à la volonté des pouvoirs publics et des entreprises de favoriser la résolution amiable des conflits, le « médiateur des relations commerciales agricoles » risque de souffrir de la confusion des textes qui le régissent. Explications.

Les dispositions d'un décret no 2015-548 du 18 mai relatif au médiateur des relations commerciales agricoles viennent modifier les articles D. 631-1 à D. 631-4 du Code rural et de la pêche maritime pour l'application des articles L.631-27 et L.631-28 de ce code, tels qu'ils ont été modifiés par la loi d'Avenir sur l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014. Le décret prévoit que ce nouveau médiateur nommé pour trois ans peut, dans ses fonctions de médiation, se faire assister par des médiateurs délégués nommés également pour trois ans, sur sa proposition, par arrêté interministériel et que les médiations doivent être conduites selon les règles de droit commun de la loi du 8 février 1995.

Le médiateur dépourvu d'initiatives

C'est donc une véritable mission de médiation qui est organisée, et c'est à première vue bien le moins. La difficulté vient de ce que la loi a été rédigée de telle sorte que les missions de médiation de ce médiateur ont été purement et simplement supprimées. Les dispositions de la loi de Modernisation de 2010 qui avaient institué un médiateur des contrats expressément doté de missions et de pouvoirs de médiation ont été abrogées et remplacées par un dispositif double. L'article L.631-27 prévoit que le nouveau « médiateur » peut être saisi de tout litige relatif à la conclusion ou à l'exécution d'un contrat ayant pour objet la vente ou la livraison de produits agricoles ou alimentaires. Ce qui inclut les ventes à l'agriculteur des produits agricoles nécessaires à son exploitation, les ventes par l'agriculteur ou son groupement de ses propres produits à un commerçant ou à un transformateur (que le contrat soit ou non encadré par un accord interprofessionnel ou un décret), les ventes directes par un agriculteur ou son groupement à un consommateur (tous contrats portant juridiquement sur des relations qui ne sont pas commerciales mais civiles), mais aussi toutes les opérations d'aval (BtoB), hormis la vente au consommateur final.

Résolution à l'amiable

Mais la loi ne lui confère expressément que la possibilité de prendre toute initiative de nature à favoriser la résolution amiable du litige, sans reconduire les pouvoirs de médiation antérieurement dévolus au médiateur des contrats agricoles. C'est en effet à un médiateur choisi par les parties, donc différent du médiateur nommé par décret, que l'article L.631-28 impose à celles-ci d'avoir recours préalablement à toute saisine du juge, sauf convention contraire (exclue si le litige porte sur la renégociation du prix en application de l'article L.441-8 du Code de commerce) ou recours à l'arbitrage. On peut dès lors douter qu'elles puissent, contre cette disposition légale, avoir recours à une médiation qui serait menée par une personne nommée, certes, « médiateur », mais dépourvue de mission de médiation si ce n'est par un décret contraire à la lettre et à l'esprit de la loi.

LE CABINET RACINE

Racine est un cabinet d'avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de 200 personnes en France (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Saint-Denis de la Réunion), il réunit près de 70 avocats et juristes à Paris. Il dispose également d'un bureau à Bruxelles et à Beyrouth.

Bruno Néouze, associé, y traite avec son équipe les questions relatives à l'agriculture et aux filières agroalimentaires. Il conseille et assiste de nombreuses entreprises agroalimentaires et organisations professionnelles et interprofessionnelles agricoles.

Racine - 40, rue de Courcelles - 75 008 Paris - www.racine.eu

Il serait tentant de considérer que c'est le recours à la médiation elle-même que la loi a voulu instaurer, de sorte que si celle-ci aboutit, peu importe qu'elle soit menée par une personne qui n'en aurait pas légalement reçu la mission. Mais ce serait oublier, d'une part que la procédure de médiation est régie par des dispositions spécifiques (articles 21 à 21-5 de la loi du 8 février 1995), et d'autre part que le Code rural, s'il se contredit, est clair en ce qu'il impose une procédure distincte de la mission de recherche de résolution amiable confiée au « médiateur des relations commerciales ».

Concrètement, un problème sérieux pourrait se poser si l'une des parties contestait l'accord intervenu sous l'autorité du médiateur des relations commerciales et s'il devait être soumis à l'homologation d'un juge pour acquérir force exécutoire. Un médiateur sans mission de médiation pour des relations commerciales qui seront le plus souvent civiles : le législateur ne facilite pas la tâche des parties !

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