Broutards: une filière en quête de stratégies
A moyen terme, la disponibilité en animaux d’élevage est amenée à diminuer en Europe, a rappelé Jean-Claude Guesdon, de l’Institut de l’Elevage, lors du colloque sur les broutards au Sommet de l’Elevage jeudi dernier. En France en particulier, ce sont quelque 2 % de vaches laitières qui disparaissent chaque année, d’où une évolution baissière inéluctable du nombre de veaux, de bétail maigre et plus largement d’animaux finis. Ces évolutions se traduisent, déjà à l’heure actuelle, par une augmentation du prix d’achat de la viande, d’où des répercussions sur les prix de vente chez les distributeurs. Ainsi, ce sont nos exportations qui pourraient se trouver de plus en plus fragilisées.
Renforcer les partenariats à l’export
Un des enjeux pour la France est de sauvegarder les débouchés forts principalement à destination de l’Italie et l’Espagne, malgré des contraintes stratégiques, de coûts et de bien-être animal qui s’imposent désormais. L’Espagne est devenu un grand producteur de cheptel allaitant depuis quelques années, ce débouché s’est donc amoindri. Les exportations vers l’Italie montrent également quelques signes de faiblesse. Le choix du découplage total des aides, la hausse des prix de la viande mais également l’application (tardive) de la Directive Nitrates de 1991 provoquent un ralentissement des achats d’animaux maigres, ajustés à la part de la production dont le débouché est assuré. Mais ces débouchés sont amenés à se réduire : le nombre de bouchers diminue, au vu notamment du prix élevé des viandes au détail. Et surtout, les 20 grands acheteurs, partenaires privilégiés de la grande distribution italienne, se tournent de plus en plus vers d’autres fournisseurs, dont l’Allemagne, l’Irlande, la Roumanie, la Slovaquie et la Pologne. Cette dernière totalise désormais 11 % des importations de broutards sur les six premiers mois. Ainsi peut-on constater des écarts de prix de la viande très conséquents en grande distibution, selon la provenance. Il faut dire qu’en plus du découplage, les prix de l’aliment ne sont pas à l’abri de variations importantes inter-annuelles. Les engraisseurs italiens raisonnent donc de plus en plus la rentabilité de leur engraissement, compte-tenu des dispositions réglementaires.
Privilégier une véritable stratégie de filière
Face à ces évolutions structurelles, les opérateurs sentent bien que certains comportements de consommateurs peuvent remettent en cause tous les progrès en matière de traçabilité, de qualité et de bien-être animal. Il n’en reste pas moins que la filière française présente de nombreux atouts, dont tout l’enjeu est de continuer à les promouvoir, à travers de nombreuses actions de communication notamment. Comme le rappelle Jean-Pierre Houssel (Ubifrance-Milan), «l’opérateur italien aime la France». Poursuivre les améliorations en terme de génétique doit rester une fin en soi car le consommateur y est très sensible, mais le tout est de savoir à quel prix. Cependant, malgré les nombreux atouts français, il est à craindre un affaiblissement du triangle commercial entre la France, l’Italie et l’Espagne. A l’heure actuelle, une structure forte du secteur s’impose en France, devant considérer notamment la sauvegarde des capacités d’engraissement.