« Anticiper ses flux » maritimes vers la Chine devient une nécessité, selon Alexandre Vienney de bp2r
Pour contrer les perturbations du transport maritime avec la Chine, quelques industriels entament des réflexions stratégiques pour optimiser ce poste lourd financièrement. Alexandre Vienney, directeur pôle distribution du cabinet de conseil en transport maritime bp2r, vous en dit plus.
Alexandre Vienney, directeur pôle distribution du cabinet de conseil en transport maritime bp2r.
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bp2r
La situation du transport vers la Chine ne s’améliore pas. Faut-il se préparer à ce que cela dure ?
Alexandre Vienney - Cela fait deux ans qu’il y a un engorgement des infrastructures qui risque en effet de durer. Les conteneurs vont partout dans le monde et quand il y a des bouchons à un endroit, ils ne circulent plus. Et cela a des répercussions mondiales. Les coûts de transport ont été multipliés par dix et il y a toujours des problèmes de disponibilité. Cela vaut pour l’import mais aussi pour l’export, puisque les bateaux qui vont en Chine à partir de la France viennent de Chine. Les délais sont hors de contrôle et il y a peu de visibilité sur les dates de départ comme d’arrivée. Le prix de l’export maritime n’est pas le même que l’import, mais il a augmenté dans les mêmes proportions.
Quand on a établi ce constat, de quels leviers les entreprises disposent-elles pour optimiser ce poste transport ?
A. V. - Il faut tenter de réduire l’incertitude au minimum et surtout gagner en visibilité. En général, les informations viennent des compagnies maritimes elles-mêmes, mais il existe des solutions qui permettent d’avoir des informations plus fiables sur la disponibilité des bateaux. On peut citer Wakeo ou encore project44, société américaine qui propose des applications d’optimisation de la supply chain, telles Ocean Insights qui permet d’avoir une visibilité en temps réel des flux maritimes.
Généralement, les entreprises passent par des transitaires et délèguent toute cette partie. Comment gérer en interne ?
A. V. - Les transitaires sont parfois eux-mêmes mal outillés. Beaucoup d’entre eux sont présents avec des petits bureaux sur un port ou deux. Il y a une myriade d’acteurs. Depuis deux ans, les compagnies se renflouent avec la crise sanitaire et en profitent actuellement pour intégrer la chaîne, en rachetant des transitaires et des transporteurs. Cela leur permettra de reprendre la main en passant du statut de transporteurs en bout de chaîne à celui d’organisateurs de flux. Elles pourront renforcer les prévisions avec les industriels et les distributeurs et gagner en visibilité pour optimiser et sécuriser les fonds de cale.
Comment se réorganiser en interne pour assurer ces changements ?
A. V. - Il faut définir la bonne manière de travailler avec ses transitaires, mais aussi les fournisseurs, les clients, jusqu’à la production en interne. C’est toute la chaîne d’approvisionnement qui doit être sous contrôle, de manière que le transport ne soit pas la dernière étape où tout bloque. Il y a une réelle nécessité à anticiper ses flux. Quand on annonce un booking au dernier moment, on a peu de chance de partir avec le premier bateau. Il faut anticiper en matière de date, de volume, etc. Et donc, évidemment, cela nécessite que la production suive. La supply chain a besoin d’être digitalisée pour que l’information passe plus vite. Le tableau Excel met trop de points de friction dans un système déjà perturbé. Les gros industriels bien organisés et structurés peuvent payer 30 % moins cher que les autres. Cependant, 90 % des industriels tablent sur un retour à la normale qui leur permettrait de ne pas investir dans des restructurations complexes. Pour les 10 % restants, des chantiers stratégiques sont en cours, autour de l’organisation interne, des outils à mettre en place, afin de revoir leurs flux, trouver des solutions d’optimisation pour atténuer les effets.