Affaire Unigrains : trois ministres au secours de la FNSEA
Sollicités comme témoins par l’ancien président d’Unigrains, Henri de Benoist, trois anciens ministres, Michel Rocard, Alain Lamassoure, Henri Nallet ne se sont pas dérobés. Tous les trois, qui ont eu à un moment ou à un autre à donner leur accord au financement de la FNSEA par Unigrains via les organisations professionnelles de l’Élevage, ont assumé leurs décisions. Quand il apprit le fonctionnement du système, « j’ai bien compris que nous n’étions pas dans un univers réglementaire parfait » a reconnu, Michel Rocard qui fut ministre de l’Agriculture de 1983 à 1985. « Mais j’ai trouvé que cette solution qui impliquait « la solidarité » entre riches et pauvres était « élégante et exemplaire » et « j’étais fier de participer ». « Je nageais dans une admiration mais plus pour des raisons éthiques que réglementaires » a-t-il résumé.
Alain Lamassoure, aujourd’hui parlementaire européen UMP qui fut ministre du ministre du Budget de 1995 à 1997 et qui fut également Conseiller maître à la Cour des Comptes, est davantage resté sur le plan juridique. Lui aussi a donné sa signature à « un accord politique au sein du monde agricole pour considérer qu’il fallait organiser une redistribution entre céréaliers et éleveurs par le biais de la fiscalité ». Et d’insister sur le fait qu’un tel dispositif ne pouvait pas se mettre en place sans l’accord du ministère de Budget.
Henri Nallet au cœur du système
Pour lui donc il est impossible de parler d’abus de biens sociaux, puisqu’il s’agissait de « deniers publics » et non privés, Unigrains n’ayant que « la gestion technique » du dossier. Certes il a reconnu qu’il avait pu donner son accord « à des actions illégales ». Mais rien de très grave puisque la Cour des Comptes « n’a constaté ni un détournement de fonds, ni saisi le Parquet, ce qu’elle fait régulièrement ».
Quant à Henri Nallet, ministre de l’Agriculture à deux reprises, en 1985-1986 et 1988 à 1990, il fut au cœur du système. D’abord, à la mise en place du Fonds de solidarité entre céréaliers et éleveurs en 1969-1970, alors qu’il était salarié de la FNSEA. Au départ, il s’agissait d’aider les associations de l’Élevage, (FNB, FNP, CFA) à « être plus présentes », de les doter de moyens humains et financiers pour se faire entendre à Paris comme à Bruxelles, pour moderniser l’élevage français qui à l’époque en avait bien besoin. A une époque aussi où la Pac accordait un soutien plus important aux céréaliers qu’aux éleveurs.
Ce soutien justifiait il les cotisations à la FNSEA ? Bien entendu. « Aider la les organisations de l’élevage à payer sa cotisation à la FNSEA était un moyen pour la partie la plus pauvre et la moins aidée par la politique agricole commune d’avoir du poids dans les instances arbitrales. C’était financer son droit à la parole », résume l’ancien ministre socialiste de l’Agriculture
Tout cela est certainement vrai. Mais quand l’accord du paiement des cotisations dues à la FNSEA par Unigrains a été donné 1981, par la ministre de l’Agriculture, Edith Cresson, ce feu vert n’était pas dénué non plus d’arrière pensées politiques. Pour le pouvoir en place, et compte tenu du climat d’hostilité qui régnait vis-à-vis des socialo-communistes dans les campagnes, il s’agissait de renforcer le poids de structures au sein de la FNSEA, qui sans être ouvertement de gauche, était moins hostiles aux socialistes que les céréaliers du bassin parisien.