Accords interprofessionnels : l'extension désormais réglementée
L'article L.632-3 du Code rural et de la pêche maritime prévoit que les accords interprofessionnels pris dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent faire l'objet d'une extension « par l'autorité administrative compétente », ce qui a pour effet d'en rendre les dispositions obligatoires pour tous les membres des professions constituant l'organisation (L.632-4). La loi précise que l'autorité compétente dispose pour statuer sur la demande d'extension d'un délai de deux mois, porté à trois mois en cas de saisine de l'Autorité de la concurrence, et qu'à défaut de réponse dans ce délai, la demande est réputée acceptée (idem).
Mais aucun texte à caractère réglementaire n'indiquait jusqu'à présent quelle était l'autorité compétente, ni quelles étaient les modalités de demande et d'instruction, la composition du dossier ou les modalités de son dépôt. Seules existaient jusqu'à présent une instruction conjointe des ministères de l'Agriculture et de l'Économie du 15 mai 2007, destinée aux services de l'État, et deux lettres d'information des 4 juin 2007 et 5 septembre 2008. Trois documents dépourvus de toute portée normative et de toute valeur juridique.
Cette lacune est aujourd'hui réparée par la publication au JORF du 28 février 2015 (avec un rectificatif publié le 14 mars) de deux textes datés du 26 février 2015 : un décret insérant dans le Code rural une sous-section consacrée aux conditions d'extension comportant trois articles (D.632-4-2 à D.632-4-4) et un arrêté interministériel.
Définition des autorités compétentesL'article D.632-4-2 définit l'autorité compétente : il s'agit des ministres chargés de l'Agriculture et de l'Économie, auxquels s'adjoignent le ministre chargé du Budget si l'accord concerne le vin et les boissons alcoolisées et celui en charge de l'Outre-Mer pour les organisations interprofessionnelles ultramarines. Curiosité : les refus d'extension sont prononcés par le ministre de l'Agriculture seul, de son propre chef ou à la demande de l'un des autres ministres concernés. C'est d'ailleurs le ministre de l'Agriculture qui, aux termes de l'article D.632-4-3, est destinataire des dossiers de demande : si ceux-ci ne sont pas conformes à l'arrêté qui en fixe la composition, il les rejette (refus d'extension), à charge pour l'organisation de formuler une nouvelle demande accompagnée d'un dossier conforme.
Innovation majeure, découlant d'une modification de l'article L.632-4 du Code rural par la loi du 13 octobre 2014, le ministre peut également demander des documents complémentaires en fixant lui-même deux délais : celui dans lequel ces documents doivent lui être remis et celui à l'issue duquel la demande sera réputée acceptée. Il s'agit là de la régularisation d'une pratique jusqu'à présent illicite de l'administration, qui lui permet, en fait, de contourner la loi comme elle l'entend. La licéité de cette disposition paraît sujette à caution : la loi ne prévoit, en une telle hypo-thèse, qu'une prorogation non renouvelable de deux mois du délai de réponse de l'administration.
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L'arrêté, auquel renvoie l'article D.632-4-4, a pour objet de fixer la composition et les modalités de dépôt des dossiers ainsi que les modalités de la consultation prévue par l'article 162 de l'OCM (règlement 1308/2013). La composition du dossier peut paraître lourde ou redondante, mais elle correspond à la pratique récente. Quant à la consultation des acteurs concernés par un accord prévoyant une contribution financière des non-membres, elle consistera en la publication pendant trois semaines au bulletin officiel du ministère d'un avis comportant en annexe un document établi par l'organisation, selon le modèle fourni, relatant par période les différentes actions envisagées et les contributions qui y seront affectées. Des dispositions bienvenues pour l'administration, qui rentre enfin dans la légalité, mais que les organisations interprofessionnelles devront apprendre à mettre en œuvre.