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L’alimentation fonctionnelle, débouché potentiel des produits carnés

Un projet démarré en 2021 entend mieux valoriser les produits carnés riches en fer dans des produits fonctionnels de nouvelle génération. Des recherches que l’impression 3D alimentaire permet aujourd’hui d’accélérer.

Les produits mixtes, associant végétal et animal, ont-ils un avenir ? Depuis début 2021, l’unité de la qualité des produits animaux (Quapa) de l’Inrae Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes et l’institut technique agro-industriel Adiv se sont associés au sein d’un projet de recherche original visant à tester différentes formulations pour la fabrication d’aliments mixtes par impression 3D et d’en évaluer les verrous, aussi bien sur les plans nutritionnel, fonctionnel que technologique. L’expérience présente l’intérêt d’ouvrir la perspective d’un nouveau débouché potentiel pour les produits carnés au sein de la nutrition fonctionnelle, mais aussi d’envisager ce que pourrait être l’alimentation « personnalisée » de demain.

Un partenariat entre l’Adiv et l’Inrae

« L’idée de ces produits hybrides a germé au sein de l’UMT Actia Newcarn, une unité mixte technologique qui s’est achevée l’année dernière et qui associait l’Adiv, l’Inrae de Theix et l’Université Clermont Auvergne », explique Valérie Scislowski, responsable R&D, marché innovation à l’Adiv. Ce projet de recherche partenariale avait notamment pour ambition de développer des produits avec de nouvelles textures ou associant protéines animales/protéines végétales, pouvant être proposés à des segments de population spécifiques (junior, senior), pour lesquels il n’existe aucune offre spécifique de produits.

Afin de prolonger cette thématique, l’Adiv et l’Inrae ont signé début 2022 une convention Cifre pour que Coline Schiell, chargée d’études R&D innovation à l’Adiv, poursuive le projet et y consacre sa thèse. « Ces travaux constituent un sujet-support intéressant pour le pôle dédié à la protéine que nous avons récemment créé au sein de l’Adiv », ajoute Valérie Scislowski.

Le projet s’articule autour de la création de produits alimentaires expérimentaux fabriqués par un procédé avant-gardiste : l’impression 3D. « Cette solution présente plusieurs avantages, explique Coline Schiell. Il permet de réaliser des formes originales, qu’il serait très difficile de produire avec des procédés industriels classiques, mais aussi d’obtenir des textures différentes, permettant de revisiter le goût de la viande et/ou des légumineuses et légumes secs. »

Les matières premières sont préparées sous forme de purées, puis insérées dans des cartouches, « comme on mettrait de l’encre dans une imprimante classique, précise la cheville ouvrière du projet. C’est un peu comme une poche à douille télécommandée, reliée à un logiciel qui va dessiner une forme définie au préalable. » Les matières premières sont préparées à l’Adiv et les produits fabriqués sur la plateforme de l’Inrae de Theix qui possède l’imprimante. « Le procédé permet d’aboutir rapidement à des prototypes dont on contrôle parfaitement la composition en nutriments », ajoute Coline Schiell.

Légumineuses et abats pour des populations cible

Les premières maquettes associent des légumineuses et des abats riches en fer. « Nous avons orienté les recherches vers des produits à vocation nutritionnelle, voire fonctionnelle, répondant à des enjeux de santé publique comme l’anémie », explique Valérie Scislowski.

L’équipe s’est tournée vers des foies de porc et de volaille, riches en fer et dont la texture, une fois broyée, est lisse et homogène et donc adaptée à l’imprimante 3D. Ces abats, qui constituent une matière première bon marché et souvent mal valorisée, ont été mariés à des purées de lentilles corail, de haricots rouges ou de pois chiches, le tout agrémenté d’épices. Ces maquettes font ensuite l’objet de multiples analyses : caractérisation de la texture, analyses nutritionnelles, évolution de la stabilité en barquette sous atmosphère modifiée, etc.

« Les premières maquettes ont permis de masquer le foie et de contourner les réticences visuelles », Valérie Scislowski, responsable R&D, marché innovation à l’Adiv

Des produits mixtes de cette nature auront-ils leur place demain sur le marché ? « Nous sommes très en amont de cette étape, précise Valérie Scislowski. Il s’agit d’établir la preuve de concept de ces associations qui n’ont pas d’équivalent aujourd’hui dans le commerce. » Des entretiens qualifiés (« focus group ») réalisés l’année dernière ont permis de confirmer l’existence d’au moins deux cibles : celle des populations ayant des besoins nutritionnels spécifiques ; celle de jeunes consommateurs en attente d’alimentation nomade et de produits « flexitariens ».

« Les premières maquettes ont ainsi permis de montrer la possibilité de masquer le foie et ainsi peut-être de contourner les réticences visuelles au produit, indique Valérie Scislowski. Ces produits s’inscrivent dans une certaine tendance : le flexitarisme et l’engouement pour les produits végétaux, la valorisation des coproduits ou encore l’alimentation personnalisée. C’est un projet de longue haleine. »

Les propriétés fonctionnelles du végétal

Un réseau mixte technologique (RMT) associe depuis 2020 une dizaine de partenaires en vue de développer des technologies et produits nouveaux à partir de légumineuses, légumes secs, oléagineux et oléoprotéagineux. Ce RMT Actia Prot & in*, coordonné par l’Adiv et l’Institut des corps gras & produits apparentés (Groupe ITERG), vise à orienter l’offre en ingrédients et en aliments protéiques d’origine végétale et proposer les technologies adaptées pour produire les ingrédients protéiques nutri-fonctionnels nécessaires à ces produits. « Nous avons commencé à recenser l’offre de produits, et à en faire l’analyse critique pour identifier les verrous scientifiques, techniques, sociétaux et réglementaires qui limitent le développement de produits innovants », explique Valérie Scislowski, animatrice du réseau. Le partenaire Extractis en a fait de même avec les techniques d’extraction, séparation et purification des protéines de manière spécifique à chaque biomasse végétale, qui ont été en parallèle caractérisées par Terres Inovia. Adrianor a, quant à lui, commencé des travaux de caractérisation des propriétés fonctionnelles de ces ingrédients disponibles sur le marché.

*Outil de partenariat scientifique et technique, mis en place et soutenu par le ministère chargé de l’Agroalimentaire sous la coordination de l’Actia.

3 questions à

« L’impression 3D, un procédé prometteur »

Dans quel cadre l’unité Quapa de l’Inrae s’est-elle associée à ce projet sur les produits « mixtes » ?

Pierre-Sylvain Mirade - Ce projet s’inscrit dans une thématique plus large du laboratoire, celle de l’impression 3D pour la conception de produits alimentaires. Cette technologie offre la possibilité de concevoir des aliments multifonctionnels, dont on contrôle parfaitement la composition, mais aussi la structure et donc la texture. Dans le cas de la viande, ce procédé permettrait de fabriquer des produits adaptés aux personnes âgées et à celles présentant des difficultés masticatoires. Nous travaillons avec des spécialistes en odontologie clinique pour qualifier précisément les besoins. C’est un enjeu important, car il concerne une population qui ne cesse de croître dans les pays industrialisés. Le projet sur les produits hybrides est une autre application possible, avec des produits répondant par exemple aux besoins de personnes carencées en fer. Dans un cas comme dans l’autre, l’idée n’est pas de faire de la production de masse, mais de s’adresser à des populations ciblées.

Quelles sont les prochaines étapes du projet ?

Pierre-Sylvain Mirade - Avec l’Adiv, nous sommes en train d’analyser les différents paramètres des prototypes mixtes : conservation, texture, impact du réchauffage, etc. Pour ce qui nous concerne, nous allons étudier la biodisponibilité des nutriments à partir de digesteurs artificiels. L’enjeu est de connaître si les aliments imprimés se comportent comme des aliments classiques, mais aussi si leur transformation ne génère pas de composés nocifs.

Quelles autres perspectives offre l’impression 3D alimentaire ?

Pierre-Sylvain Mirade - Si, dans le cadre du projet aliments mixtes, nous avons recours à une imprimante 3D du commerce, l’Inrae travaille à concevoir son propre matériel, notamment pour « imprimer » de la viande. Il est, en effet, difficile d’obtenir des produits carnés qui se « tiennent » sans avoir recours à des additifs texturants, ce qui n’est pas le sens de l’histoire. Aussi, travaillons-nous au développement d’une machine qui permettra de s’en passer en s’appuyant sur une maîtrise optimale du débit, des températures et sur les qualités intrinsèques des produits. Cette imprimante pourrait nous servir à façonner les aliments avec différentes textures, ce que nous envisageons pour les personnes âgées. Ce procédé, qui en est encore à ses balbutiements, suscite aujourd’hui un intérêt croissant, y compris de certains industriels. Certains imaginent qu’un jour on aura son imprimante 3D dans sa cuisine comme on y dispose d’un micro-ondes !

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