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Inflation : les industriels de l'agroalimentaire peuvent-ils baisser leurs prix ?

Alors que les politiques et les distributeurs s’accordent pour demander des baisses de prix sur l'alimentation, les industriels de l’agroalimentaire, PME, ETI et agriculteurs rappellent que leurs coûts de production, eux, ne faiblissent pas toujours, certains prix des matières premières agricoles continuent de monter..

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Achats de matières qui restent élevés, mais distributeurs et politiques qui demandent la fin de l'inflation, c'est l'impossible équation pour certaines entreprises de l'agroalimentaire français.
© Wance Paleri

Le gouvernement veut en finir avec l’inflation, les distributeurs de l'agroalimentaire s’inquiètent de la chute des volumes, ils font front commun pour dénoncer les marges des industriels. Au risque d’un « impact collatéral désastreux des messages de suspicion portés par le Gouvernement sur l’image et l’attractivité de la filière agroalimentaire » dénonçait Jean-Christophe Lagarde, président de l’AREA Normandie, mais au risque aussi de porter atteinte à la santé économique des PME et ETI françaises.

Plusieurs syndicats d'industriels de l'agroalimentaire sont ainsi montés au créneau, demandant d’être exemptés des renégociations sur les prix, les producteurs de lait et les charcutiers notamment. Certains dirigeants d’entreprises se sont aussi positionnés, comme Damien Jeannot, directeur général de Marie, « Face à l’inflation, nous avons pratiqué une hausse de nos prix de 20% alors que nos besoins tournaient plutôt autour de 30%. Nos marges sont basses et donc, nous ne consentirons aucune baisse ».

Effet d’annonce contre réalité des prix ? Tour d’horizon des évolutions de prix des matières premières agricoles cette année.
 

Les matières premières agricoles dont les prix montent ou restent hauts

Le prix du porc reste haut

Certes le prix du porc à Plérin est repassé sous son niveau de l’an dernier jeudi à Plérin, mais c’est la première fois depuis fin 2021 qu’il est sous son niveau de l’année précédente, et il se situe toujours à des prix historiquement élevés. En cause, le recul de l’élevage porcin français.

Porc - 22 - Plérin - Marché du porc breton, Marché en vif, 56 T.M.P. en €/kg carcasse


Les viandes de boucherie à un prix élevé

Bœuf, veau, agneau, même combat. Le prix moyen entrée abattoir de la vache Viande R se situait, en semaine 37, 4 % au-dessus de son niveau de l’an dernier, même date. Une hausse limitée en apparence, qui cache le fait que le prix de 2022 était lui-même, cette semaine-là, 26 % au-dessus de celui de 2021. Pourtant, pour les éleveurs, le prix de revient n’est toujours pas atteint !

Le prix moyen pondéré des agneaux était, toujours en semaine 37, au même niveau qu’en 2022, soit 8,4 % au-dessus de 2021 et 15,5 % au-dessus de 2020. Même tendance en veau de boucherie.


Les œufs sont chers

Pour les industriels de l’agroalimentaire utilisant des œufs et ovoproduits, et ils sont nombreux (brioches, gâteaux, sauces, plats préparés, salades composées, pâtes,…), le cauchemar a commencé fin 2021 avec la grippe aviaire. Depuis les œufs sont chers, et peut-être encore plus complexes à gérer, manquent parfois, et le marché est très volatile. Certes, le marché s’est soudain détendu courant août, mais il a de nouveau flambé à la rentrée.  Le prix des œufs français départ élevage destinés aux casseries, selon la TNO, établie chaque jeudi, par Les Marchés, avoisine en semaine 38 1,62 €/kg, contre 1,92 €/kg l’an dernier. Sur 2018-2021, les prix étaient sous les 1 €/kg à cette période.

Œuf France - TNO industrie, brun, Départ élevage en €/kg

Le prix du sucre bat des records

Chaque semaine, le marché du sucre bat de nouveaux records. En semaine 36, le cours à Londres a dépassé un sommet vieux de 12 ans. À New York, le cours a frôlé les hauts niveaux de 2011. L’offre thaïlandaise est en recul. La capacité du Brésil à combler cette brèche inquiète.

Les cours du riz au plus haut depuis 2008

Les cours du riz ont atteint en août leur plus haut niveau depuis 2008, année marquée par les émeutes de la faim, a rapporté la FAO. Par rapport à juillet ils étaient en hausse de 9,8 %. L’Inde a réduit ses exportations sur le marché mondial et la menace d’El Niño plane toujours.

Le prix du cacao s'envole

Le cours du cacao continue de s’envoler. Il a atteint un nouveau sommet en semaine 37 à Londres. Il dépasse les records de 1989 et de ceux de la guerre civile en Côte d’Ivoire. A New York, le cours évolue à son plus haut niveau depuis 2011. Cette hausse des cours s’explique par une baisse de l’offre chez les deux principaux producteurs, la Côte d’Ivoire et le Ghana, à cause de la maladie des cabosses noires due à un excès de pluie.

Le café a atteint 2 797 dollars la tonne

Le cours du café robusta a franchi un record vieux de 15 ans à Londres en juin. Il a culminé à 2 797 $ la tonne. L'offre reste limitée pour ce produit. La production reculerait de 5 % par rapport à la campagne précédente et attendrait 21,7 millions de sacs selon l'USDA

Le prix de la tomate bat des records

Les prix des tomates en Europe, utilisées pour l’industrie notamment, atteignent des niveaux records cet été. Ainsi, le cours de la tomate espagnole dépasse-t-il au mois d’août de 48 % sa moyenne quinquennale et de 25 % son niveau de l’an dernier, selon la Commission. L’origine néerlandaise n’est pas moins cher, avec une hausse annuelle de 53 % et quinquennale de 65 %.


Les matières premières agricoles dont les prix baissent

Les prix du beurre, de la poudre de lait, des produits laitiers industriels dévissent

Les cours des produits laitiers industriels ont sérieusement dévissé fin 2022. Sur le marché européen, l’écart des prix entre septembre 2022 et septembre 2023 est de l’ordre de, selon les données de la Commission :

Ce renversement du marché est lié à une baisse sensible de la demande, que ce soit en Europe sur fond d’inflation, de baisses des volumes achetés par les ménages et d’arbitrages budgétaires, ou en Chine. Le géant asiatique a limité ses importations, eu égard aux stocks et à une conjoncture économique maussade. Les perspectives à venir sont très incertaine. Car l’offre est toujours limitée, avec une production mondiale qui patine et une collecte française marquée par la déprise de l’élevage laitier.

Le prix de la volaille se tasse

Deux éléments se sont conjugués pour provoquer une forte hausse des prix de la volaille : la flambée des cours de l’alimentation animale des suites de la guerre en Ukraine, et la grippe aviaire qui a fortement pesé sur l’offre. Certes, les prix de l’aliment restent élevés, ils n’en ont pas moins baissé depuis leurs records de 2022. Et la filière juge avoir récupéré ses capacités de production après l’influenza, de quoi voir une détente du marché. A 261,95 €/100 kg, le prix moyen du poulet dans l’UE se situe ainsi 1,8% sous son niveau de l’an dernier, même date, selon les données de la Commission.

Les cours des céréales reculent

Les prix des céréales avaient flambé dans le sillage des blindés russes en Ukraine en février dernier. Ils reculent depuis. Ainsi l’Indice FAO des prix des céréales s’est établi en moyenne à 125,0 points en août, soit 20,6 points de moins qu’il y a un an. Les prix du maïs ont baissé pour le septième mois d’affilé et sont tombés à leur plus bas niveau depuis septembre 2020, car les disponibilités mondiales étaient abondantes en raison d’une récolte record au Brésil et du commencement de la récolte aux États-Unis d’Amérique.

Les prix des huiles végétales baissent

Même tendance pour les huiles végétales. L’Indice FAO des prix des huiles végétales a enregistré une valeur moyenne de 125,8 points en août, contre 163,3 points un an plus tôt. Ce recul s’explique par la baisse des prix mondiaux des huiles de palme, de tournesol, de soja et de colza. Le disponible exportable s’est élargi, tandis que la demande est prudente. 

A nuancer, pour l’huile d’olive, les prix devraient continuer de progresser. Ils étaient déjà élevés avant un été qui a vu les zones de production en Espagne souffrir de la sécheresse et de nombreuses oliveraies grecques être dévastées par les incendies puis les inondations.

Et les autres postes de dépenses des industriels de l’agroalimentaire ?

Salaires, énergie, transport, emballages, assurances, les autres charges qui pèsent sur les industriels de l’agroalimentaire sont rarement orientées à la baisse. Pour l'énergie en particulier, les entreprises qui ont dû renégocier l'an dernier sont toujours contraintes par des contrats onéreux, et celles qui vont devoir renégocier à leur tour pour janvier vont aussi, mathématiquement voir leurs coûts de production augmenter. Côté salaires,au-delà des augmentations liées à l'inflation, certaines entreprises font face à une véritable pénurie de main-d'oeuvre. 

Par ailleurs, nombreuses sont les entreprises à n'avoir pas répercuté l'ensemble de la hausse de leurs coûts de production, d'autant plus quand elle a été soudaine, rognant sur leurs marges. Elles comptent donc ne pas baisser immédiatement les prix afin de pouvoir redonner un peu d'air à leurs trésoreries.

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