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« En Bretagne, nous désaisonnons nos brebis laitières en bio »

En Ille-et-Vilaine, Émilien Chaillou et Johanna Colleau conduisent leurs brebis laitières en bio et à contre-saison pour répondre aux attentes de la laiterie Olga.

Emilien Chaillou avec ses brebis lacaune.
Émilien Chaillou et son associée Johanna Colleau gèrent l'EARL Bêl'Laine à Brécé, en Ille-et-Vilaine. Leur 280 lacaunes sont conduites en bio et à contre-saison.
© B. Morel

Pour produire du lait en contre-saison, Johanna Colleau et Émilien Chaillou ne lésinent pas sur les moyens. Ils conduisent leur 280 brebis lacaunes et 65 agnelles en bio sur leur exploitation située à Brécé, en Ille-et-Vilaine. « Avec la laiterie Olga [anciennement Triballat Noyal] nous nous sommes mis d’accord pour produire du lait en désaisonné, avec une première livraison début août », explique Émilien Chaillou.

Installé en janvier 2018 sous forme d’EARL avec son associée Johanna, il avait découvert cette ferme durant sa scolarité et y avait fait son stage de découverte de troisième, puis il y a travaillé en apprentissage. L’exploitation était déjà conduite en bio et sous contrat avec la laiterie, les nouveaux installés ont conservé ce bon fonctionnement. En 2020, ils font construire un nouveau bâtiment, arrêtent les agnelages en deux lots pour n’en faire plus qu’un et avoir tout le lait au même moment.

Tonte et parage pour les brebis avant la lutte

Les brebis sont mises à la lutte en mars, tandis que les agnelles sont mises au bélier entre juin et juillet, « quand les jours commencent à raccourcir », souligne Émilien Chaillou. Les primipares font une première lactation courte et peuvent ainsi être mises à la lutte en mars suivant avec les autres brebis.

Emilien Chaillou surveille les brebis prêtes à agneler.
Entre tonte, parage, fluching et effet bélier, rien n'est mis de côté pour assurer la réussite des luttes de printemps. © B. Morel
Les deux éleveurs laitiers bretons ont concocté un programme riche pour maximiser la réussite des luttes de printemps pour leurs brebis. « Nous réalisons la tonte fin janvier, donc trois mois plus tard, elles sont laineuses comme il faut pour la reproduction, décrit le jeune homme de 33 ans, soucieux du moindre détail. Nous réalisons également le parage des onglons en février, pour que les brebis soient le plus à l’aise possible. Si besoin, nous refaisons un autre parage dans l’année. »

Huile de foie de morue et vinaigre de cidre

À partir de mi-janvier, les brebis passent en monotraite. « Cela n’occasionne pas trop de perte de production et le permet de reprendre de l’état corporel. D’autant que le prix du lait n’est pas très intéressant à cette saison, le manque à gagner est donc faible et le gain zootechnique, important ! », apprécie Émilien Chaillou. Johanna Colleau et Émilien Chaillou sélectionnent en plus les brebis qui désaisonnent le mieux.

Les deux associés emploient Adélaïde, qui est apprentie. Ils souhaiteraient parvenir à pérenniser ce poste.
Les deux associés emploient Adélaïde, qui est apprentie. Ils souhaiteraient parvenir à pérenniser ce poste. © B. Morel
Avant la mise à la reproduction, les brebis reçoivent une ration riche pour un flushing, composée d’avoine et de maïs. Celle-ci est complétée d’huile de foie de morue, de magnésium et de vinaigre de cidre. Les béliers sont préparés deux mois plus tôt. « On ne les tond pas car ils restent à l’extérieur mais la lutte se fait en bâtiment. » Les mâles reçoivent également du vinaigre de cidre dans leur ration, car « cela purifie le foie avant de réaliser un traitement antiparasitaire », précise l’éleveur.

Des agneaux lacaunes x Charmoise vendus à Terrena

Celui-ci a recours à l’effet bélier, en intégrant parmi les femelles des béliers vasectomisés un cycle avant la lutte pour synchroniser les chaleurs. Puis les mâles lacaunes entiers restent durant deux cycles avec les brebis, avant que les béliers de race Charmoise ne prennent la relève pour saillir les brebis retardataires. « Je mets également les béliers de race Charmoise sur les agnelles de renouvellement. »

Le bâtiment est conçu pour permettre à une personne seule de travailler et de circuler facilement grâce aux couloirs central et latéraux.
Le bâtiment est conçu pour permettre à une personne seule de travailler et de circuler facilement grâce aux couloirs central et latéraux. © B. Morel
Les agneaux sont ainsi bien conformés et sont vendus à un engraisseur de Ter’elevage (filiale de la coopérative Terrena) et commercialisés sous la marque Agneaux celtes. « Nous avons fait le choix de la race Charmoise pour sa facilité d’agnelage, la vigueur des agneaux à la naissance et la conformation carcasse », détaille Émilien Chaillou. Les deux associés vendent également une grosse vingtaine d’agneaux en direct.

Le lupin en remplacement des concentrés

La chance de l’EARL Bêl'Laine, c’est son parcellaire groupé autour de la ferme malgré sa proximité avec la métropole rennaise. Sur les 70 ha de surfaces agricoles utilisées, 55 ha sont dédiés au pâturage. Ce sont les prairies qui sont vraiment les plus proches de l’exploitation. Les surfaces restantes sont en rotation de céréales (orge, avoine, maïs).

Avec 55 ha de prairies, les associés misent sur la valorisation de l'herbe dans la ration des brebis.
Avec 55 ha de prairies, les associés misent sur la valorisation de l'herbe dans la ration des brebis. © B. Morel
« J’ai réalisé un premier essai de prairie temporaire en lupin et féverole. Cette dernière apporte trop d’amidon, mais le lupin a vraiment fait ses preuves et je prévois d’augmenter les surfaces pour l’année prochaine », s’enthousiasme Émilien Chaillou. Pour l’éleveur, trouver des alternatives aux concentrés du commerce est important. Le correcteur azoté bio coûte par exemple plus de 1 000 euros la tonne.

Du pâturage presque toute l’année

Certaines prairies semées comptent 50 à 60 % de légumineuses, d’autres sont en pure légumineuse. Les prairies temporaires durent environ quatre à cinq ans et l’exploitant peut compter également sur quelques prairies naturelles, adossées à des sous-bois ou des haies. Les brebis pâturent de février jusqu’au 20 juillet, date des agnelages. Les agnelles profitent de l’extérieur de septembre à décembre.

« Nous sommes autonomes sur le fourrage, bien que nous procédions à un peu d’achat-revente, ce qui nous permet d’accéder à du meilleur foin ou d’acheter du correcteur azoté avec la plus-value de la revente. » Émilien Chaillou et Johanna Colleau achètent 18 ha d’herbe sur pied, ce qui leur permet de sécuriser le système en cas de sécheresse.

Objectif 360 brebis à la traite

Les brebis ont également accès à des dérobées telles que le colza fourrager ou le trèfle fourrager qu’elles pâturent au pic de lactation. « Nous faisons du pâturage tournant. Les parcelles sont découpées pour suivre la pousse de l’herbe. » Les brebis entrent sur des prairies à 15-20 cm de hauteur d’herbe et sortent lorsque celle-ci n’est plus que de 5 cm.

Avec la maîtrise de l’alimentation et l’accroissement du cheptel jusqu’à 360 brebis à la traite, Émilien Chaillou et Johanna Colleau souhaitent conserver les volumes et la qualité de lait livré à Olga tout en augmentant la part vendue aux crémiers-fromagers des alentours. « Le lait de contre-saison est rémunérateur, aussi bien à la laiterie qu’avec les artisans locaux. »

Chiffres clé

3 UMO (2 associés et une apprentie sur un poste à pérenniser)

280 brebis laitières conduites en bio

Lactation entre août et fin janvier

65 agnelles

110 000 l par an, dont 80-90 % livrés à Olga

70 ha de SAU, dont 55 ha de prairies

Agneaux vendus à un engraisseur pour la marque Agneaux celtes

Produire du lait de brebis dans un désert ovin

Les éleveurs ont une conduite précise et raisonnée de leur troupeau, mais cela n’est pas toujours chose aisée dans une région où les ovins lait sont loin d’être bien représentés. « Nous faisons nous-mêmes notre contrôle laitier, nous louons du matériel comme des compteurs de lactation Tru-Test. Il me semble impossible de gérer le troupeau sans avoir a minima ces données », appuie Émilien Chaillou, passionné.

L’autocontrôle laitier permet en effet d’avoir un suivi de pesée et de qualité du lait, ainsi que l’historique de production et de taux de cellules par brebis.

Un vétérinaire qui vient d’Aveyron

Autre problème, le réglage de la machine à traire. « Ici, les techniciens ne connaissent que les vaches… nous avons fait venir quelqu’un d’Occitanie pour régler la nôtre », souffle l’éleveur. « Pour les questions de ration et de sanitaire, nous sommes suivis par un vétérinaire de l’association des vétérinaires éleveurs du Millavois (Avem), en Aveyron, avec qui nous faisons un point annuel », apprécie Émilien Chaillou.

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