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Un élevage ovin au cœur d’un site historique anglais

La famille Cawley fait paître ses brebis sur le site historique du Berrington Hall depuis trois générations, mais elle doit désormais s’adapter aux contraintes touristiques et aux nouvelles subventions post-Brexit.

<em class="placeholder">William Cawley et Mark Hollis</em>
William Cawley (à gauche) et son berger Mark Hollis (à droite) assurent un suivi strict des performances du troupeau.
© W. Cawley

Lorsqu’on s’approche de la ferme de William Cawley, on ne distingue pas de bâtiment d’élevage mais un manoir néoclassique du XVIIIe siècle. L’éleveur britannique élève 1 000 brebis, 350 agnelles et 250 génisses dans les jardins du Berrington Hall, dans le Herefordshire, à la frontière du Pays de Galles.

Le site appartient au National Trust, l’association britannique de conservation des monuments et sites d’intérêt collectif, qui lui loue 240 hectares pour faire paître ses brebis et ses vaches.

 

 
<em class="placeholder">Berrington Hall</em>
Le site historique du Berrington Hall (Herefordshire, Angleterre), qui accueille plus de 90 000 visiteurs par an, est grandement entretenu par les brebis de William Cawley. © W. Cawley

Jusqu’en 2018, l’éleveur disposait des bergeries pour faire agneler ses brebis. Mais lorsque le National Trust a voulu récupérer les bâtiments pour recréer les jardins du célèbre paysagiste Capability Brown, il a dû réadapter tout son système.

Il décide alors de vendre son troupeau de suffolks contre des brebis plus rustiques, capables d’agneler en extérieur. « Ce fut l’occasion pour nous de revoir notre système en profondeur, explique l’éleveur de 43 ans. Nous voulions emprunter la voie du faible coût et élever les moutons selon un système similaire à celui du troupeau laitier, en tirant davantage parti de l’herbe ».

Easycare, ou entretien facile

L’éleveur a reconstitué progressivement son troupeau de brebis Exlana et Easycare, toutes deux caractérisées par la mue de leur toison qui n’a donc pas besoin d’être tondue. Ces races ne nécessitent que très peu de soins et sont particulièrement adaptées à l’élevage en plein air toute l’année. « La mue de la laine présente des avantages sur le plan économique, mais aussi sanitaire et du bien-être animal : moins de manipulations, pas de coupe de queue, peu de mouches, etc. »

À la reproduction en novembre, un bélier est introduit pour 70 brebis, ou pour 50 agnelles, et reste trente jours en service. Les brebis sont divisées en lots pour un suivi génétique précis. « Toutes les filiations sont connues, ce qui me permet d’améliorer les performances du troupeau en choisissant les accouplements optimaux, tout en limitant le taux de consanguinité à 6 %. » Les béliers sont conservés pour deux ou trois saisons de reproduction avant d’être vendus aux enchères directement sur la ferme.

La mise bas en autonomie

Les brebis Easycare et Exlana montrent une excellente résistance aux conditions climatiques difficiles. « Elles n’ont pas besoin de nous pour mettre bas, elles sont très autonomes. »

Cependant, l’agnelage en extérieur semble toujours être accompagné de son lot de pertes. « Nous avons perdu 17 % de nos agneaux cette année, à cause de la météo et de la toxoplasmose. » Les prédateurs (renards et blaireaux) font également souffrir les éleveurs d’outre-Manche, bien que dans une moindre mesure que sur le territoire français.

 

 
<em class="placeholder">Epuisette pour attraper les agneaux.</em>
Pour attraper les agneaux à la naissance, le berger utilise une épuisette de piscine qu'il manipule de son quad. © G. Béroud

William Cawley met un point d’honneur à suivre de près les performances de son troupeau. Pour cela, il récolte le maximum de données qu’il analyse ensuite dans des tableaux. Il pèse les agneaux à la naissance, à huit puis seize semaines, et à trois mois lors du sevrage. Pour les attraper, il se munit d’une épuisette de piscine et grimpe sur son quad.

Puisqu’il a formé son troupeau en 2018, le taux de renouvellement reste très élevé chaque année. « Cette année nous avons gardé 350 agnelles. Une fois que les groupes d’âge se seront stabilisés, nous réduirons le taux de renouvellement. »

Des prairies centenaires

La conduite du troupeau est largement dictée par le National Trust et les visites du grand public. Près de 90 000 personnes visitent le domaine chaque année, ce qui empêche l’utilisation de clôtures électriques pour subdiviser les champs.

 

 
<em class="placeholder">brebis au pâturage</em>
Les prairies du domaine de Berrington Hall sont centenaires et n'ont jamais été ressemées, leur productivité est relativement faible et elles sont infestées de parasites. © DR

Aucun labour n’est autorisé, le pâturage se fait donc en grande partie sur des prairies permanentes, ce qui limite la pousse de l’herbe. Les prairies produisent quatre tonnes de matière sèche par hectare. « Nos prairies sont vieilles de plus de cent ans et n’ont jamais été ressemées depuis. Elles abritent une charge importante de parasites tels que les nématodes et les strongles. »

« Avant le Brexit, les aides perçues étaient 60 % plus élevées qu’elles ne le sont actuellement. »

Le troupeau est géré par Mark Hollis. Le berger rassemble les brebis et les déplace de parcelle en parcelle avec son quad et son border collie. Elles sont divisées en groupe de 200, partageant le pâturage avec 250 génisses laitières. En plus des prairies du site historique, les 500 vaches frisonnes irlandaises et les moutons pâturent en rotation sur 570 hectares dont William Cawley est propriétaire avec son père.

« Un agneau à faible niveau d’intrants »

Pour engraisser les agneaux à l’automne, ils pâturent sur une parcelle de trèfle leur offrant un bon apport protéique. Les brebis et les agneaux pâturent également sur 24 hectares de navet sur chaume ou navet fourrager.

 

 
<em class="placeholder">Brebis au pâturage</em>
En plus des surfaces du Berrington Hall, William Cawley peut compter sur les 570 ha dont il est propriétaire. © DR

« Le gain moyen quotidien varie de 100 à 280 grammes en fonction de la parcelle. Pendant une grande partie de l’année, les agneaux pâturent sur les prairies très anciennes et de moyenne qualité, mais quand nous les engraissons après les coupes d’ensilage sur du trèfle et du ray-grass, leur croissance décolle. »

Les 70 meilleures agnelles partent à la reproduction. « Nous les vendons à 125 livres pièce [147 euros], et la valeur augmente de 4 livres par mois ! », s’enthousiasme l’éleveur. Les 70 meilleurs agneaux sont conservés pour être vendues aux enchères comme béliers reproducteurs.

Les autres agneaux partent à l’abattoir entre 38 et 45 kilos. Les carcasses sont vendues autour de 19,5 kilos à deux fournisseurs et transformateurs européens, ABP Food Group et Euroquality, avant de finir dans les étals des supermarchés du Royaume-Uni. « Nous essayons de produire un agneau à faible niveau d’intrants tout en maintenant un bien-être animal élevé. Nous visons à augmenter notre marge en réduisant les coûts et en approvisionnant le marché de masse et non haut de gamme. »

La déception du Brexit

William Cawley affirme que même si le changement de système n’était pas prévu, il a été un catalyseur pour améliorer la résilience financière du troupeau avant les changements de subventions prévus après le Brexit. Anticiper la transition n’a pourtant pas empêché l’éleveur de perdre des revenus. « Ce que nous percevons actuellement est semblable à ce que nous recevions pour les anciens programmes environnementaux comme les Maec [mesures agro-environnementales et climatiques], mais les paiements directs disparaissent ! »

 

 
<em class="placeholder">Eleveurs manipulant des agneaux au pâturage.</em>
Malgré un système à faible niveaux d'intrants, William Cawley a perdu en subventions depuis le Brexit. © W. Cawley

En 2021, les agriculteurs ont continué à percevoir les mêmes aides que les années précédentes (paiements directs, aides du second pilier), mais elles ont été financées par le Royaume-Uni. À partir de l’année suivante, les paiements directs anglais diminuent progressivement jusqu’à disparaître en 2028 et sont compensés par des programmes environnementaux.

William Cawley prétend à de nombreux programmes environnementaux (gestion des haies, bandes tampon, prairies à faibles intrants, légumineuses…), malgré cela il regrette le système européen. « Avant le Brexit, les aides qu’on percevait étaient 60 % plus élevées qu’elles ne le sont actuellement. »

À moitié espagnol, l’éleveur ovin ne cache pas sa déception de voir son pays quitter l’Union européenne. « J’étais plus un fan du système de paiement direct, car je crois qu’il encourage une plus grande diversité et stabilité dans nos exploitations agricoles. »

Rédaction Réussir

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