Variations autour du sulfitage
La dernière matinée technique des œnologues de Champagne a été consacrée au soufre. En voici les principaux enseignements.
La dernière matinée technique des œnologues de Champagne a été consacrée au soufre. En voici les principaux enseignements.
L’interprofession champenoise en est persuadée : il est possible de diminuer de moitié les doses de sulfitage lors de l’élaboration d’un champagne. À commencer par les doses en sortie de pressoir. Selon les essais de l’interprofession, un sulfitage à 3 à 4 g/hl à ce stade permet d’obtenir un profil similaire, voire plus fruité qu’un vin sulfité à 7 gh/l. « Et il y a d’autres avantages, souligne Benoît Villedey, chef de projet au Comité vin. Les départs en fermentation alcoolique (FA) se font plus vite, les fermentations malolactiques (FML) se réalisent plus rapidement et le SO2 total diminue plus que de moitié : on se retrouve à 20 mg/l contre 48 mg/l pour une dose classique. » Cette stratégie de demi-dose doit être appliquée tout au long du process. Après FML, Benoît Villedey conseille de réajuster avec 10 mg/l (contre 20 mg/l classiquement) puis de boucher avec une capsule de tirage faiblement perméable à l’oxygène (au lieu d’une moyennement perméable). Au dégorgement, il préconise d’avoir recours au jetting et de sulfiter à 7,5 mg/l. « Cet itinéraire à demi-dose fonctionne bien dans des situations classiques, relativise-t-il. Néanmoins, il reste encore à définir des stratégies en cas de vendanges altérées, de vins sans FML ou de cuvées réserve. »
De son côté, Moët et Chandon prône non pas les diminutions des doses, mais le sulfitage différé en fin d’écoulement, qui donne « des moûts plus clairs ; des vins plus nets », rapporte Diane Courot, chef de projet R & D de la maison. La pratique a donc été généralisée sur l’ensemble des rouges (pinots noirs et meuniers), avec une dose de 5 à 7 g/hl. Néanmoins, la maison a constaté que sur dix ans, 75 % des vins considérés comme étant oxydés avaient un taux de SO2 total inférieur à 25 mg/l. Ce taux est donc devenu un seuil d’alerte : lorsque le vin est en dessous, il est systématiquement réajusté. Une opération compliquée d’un point de vue logistique, que la maison souhaite donc anticiper. « Nous avons cherché à comprendre pourquoi nous avions parfois de telles pertes de SO2, afin de trouver des genres d’abaques en amont », poursuit Diane Courot. Pour ce faire, la maison s’est penchée sur différentes matrices. La maturité s’est avérée être l’un des principaux facteurs de perte : lorsque le raisin est sain et mûr, il y a peu de pertes de SO2 au fil du process. D’autres critères jouent un rôle, comme la température de pressurage (plus elle est élevée, plus il y a de pertes) ou le niveau de sucre. Moët et Chandon compte donc poursuivre ses essais sur le sujet.
À l’avenir, plusieurs produits ou procédés pourraient permettre de diminuer les doses de SO2, à l’instar du glutathion, récemment autorisé par l’OIV. « Mais attention, prévient Pierre-Louis Teissedre, professeur des universités à Bordeaux. Ce produit, qui procure une bonne protection contre l’oxydation, n’est pas encore autorisé par l’Union européenne. Car pour ce faire, il faudrait qu’il intègre la liste des additifs autorisés. Or il manque encore un contrôle de l’Efsa pour que ce soit le cas. » En attendant l’aval de l’Union européenne, des levures inactivées à teneur réduite en glutathion peuvent être ajoutées en début ou cours de FA.
Les bactériocines, les UVC (éradication des bactéries), les champs électriques pulsés (destruction des levures et des bactéries) et les ultrasons (effet antiseptique), sont d’autres solutions d’avenir.
Enfin, l’ajout de resvératrol pourrait s’avérer intéressant. Un essai réalisé en Argentine a montré des résultats similaires entre un vin sulfité (à raison de 7 g de métabisulfite de potassium pour 100 kg de raisin), un autre additionné de resvératrol à 150 mg/l de béta-cyclodextrine complexe en microcapsules, et un dernier à 300 mg/l. Tant la cinétique fermentaire que les caractéristiques organoleptiques du vin sont ressorties identiques. Seule l’intensité du vin s’est avérée plus élevée dans le cas de l’ajout de 300 mg/l de resvératrol. Néanmoins, aucune donnée concernant la conservation des vins ainsi traités n’est actuellement disponible.