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question de vigneron
Goûts de souris dans le vin : d’où proviennent-ils et comment s’en prémunir ?

Avec le changement climatique et la vogue des vins sans sulfites, les goûts de souris sont en recrudescence. Trois chercheurs nous expliquent la genèse de ce défaut et comment éviter qu’il survienne.

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Les goûts de souris touchent tous les cépages et types de vins.
© P. Cronenberger
 

Nicolas Richard, chargé d’études au service technique d’Inter Rhône

« Pour s’en protéger, il ne faut pas trop d’azote résiduel dans le vin, ni trop d’oxygène »

Nicolas Richard, chargé d’études au service technique d’Inter Rhône
 

« Plusieurs molécules, de la famille des pyridines, sont responsables des goûts de souris dans les vins. Elles peuvent être produites de deux manières. La première voie est microbiologique. Des bactéries lactiques ou des Brettanomyces synthétisent l’une des molécules associée aux goûts de souris à partir d’acides aminés (lysine, ornithine). Pratiquement toutes les souches de bactéries sont productrices, que ce soit des Œnococcus œni, des Lactobacillus plantarum ou encore Pediococcus parvulus, mais certaines sont plus productrices que d’autres.

 

La seconde voie est chimique, via la réaction de Maillard. Plus il fait chaud, plus il y aura donc de pyridines.

L’apparition de ce défaut est favorisée par la hausse du pH et la diminution du sulfitage. Pour s’en prémunir, il ne faut pas trop d’azote résiduel dans le vin, ni trop d’oxygène. On se demande également si les résidus de fer et de cuivre ne joueraient pas un rôle de catalyseur de réaction.

Aujourd’hui, si je devais faire du vin sans sulfites, j’ajouterais tout de même une goutte de SO2 en fin de malo et une autre à la mise. Car nous n’avons pas encore identifié de solution curative. Il est possible d’ajouter des tanins antioxydants, mais cela ne marche qu’une fois sur quatre. »

Pierre Moulis, postdoctorant à l’UMR œnologie à l’université de Bordeaux

« La coprésence de plusieurs micro-organismes peut augmenter les goûts de souris »

 

Pierre Moulis, postdoctorant à l’UMR œnologie à l’université de Bordeaux

« Les goûts de souris sont principalement attribués aux micro-organismes. Ce sont surtout les bactéries lactiques, principalement Œnococcus œni, mais aussi quelques espèces de Lactobacillus hilgardii et Pediococcus, ainsi que les levures Brettanomyces bruxellensis, qui ont la capacité de produire des goûts de souris à partir des précurseurs actuellement identifiés. Toutefois, il est possible que d’autres précurseurs soient impliqués dans ce défaut, et donc d’autres micro-organismes pourraient entrer en jeu.

 

On retrouve des Brettanomyces dans environ un cinquième des lots présentant des goûts de souris, et beaucoup plus souvent des Œnococcus œni. Cependant, on ne connait pas encore les éléments déclencheurs de la production de l’altération par les bactéries.

Lors de mes travaux, j’ai également étudié l’interaction de plusieurs micro-organismes. J’ai établi que la présence combinée de Brettanomyces et de Pediococcus parvulus favorise l’apparition des goûts de souris. La quantité produite est alors supérieure à la somme de ce que chaque organisme produit seul. Nous ignorons encore s’il s’agit d’un phénomène de synergie ou si l’un des deux micro-organismes produit davantage en présence de l’autre. De même, la coprésence de certaines souches de Saccharomyces cerevisiae et de Brettanomyces peut influencer la production de goûts de souris. Il est connu que Saccharomyces ne produit pas de goûts de souris seule, mais selon les souches, elle peut affecter la production des Brettanomyces. Une hypothèse métabolique pourrait expliquer ce phénomène : certaines souches de levures produisent davantage d’acétaldéhyde que d’autres, lequel est l’un des précurseurs des goûts de souris.

Pour éviter au maximum ce défaut, je recommande de sulfiter et d’utiliser autant que possible des souches de levures commerciales. L’acétaldéhyde étant formé par oxydation, il est également essentiel de se protéger de l’oxygène, tout en évitant une réduction excessive. »

Marie-Charlotte Colosio, ingénieur en microbiologie et biotechnologie à l’IFV pôle Val de Loire

« Identifier au plus tôt le défaut pour limiter son apparition et intervenir tant que le taux est bas »

 

Marie-Charlotte Colosio, ingénieur en microbiologie et biotechnologie à l’IFV pôle Val de Loire

« Nous retrouvons des goûts de souris sur tous les cépages du Val de Loire, qu’ils soient rouges ou blancs. On peut avoir l’impression que le gamay ou d’autres sont plus sensibles mais peut-être est-ce lié au mode de vinification, à l’itinéraire employé qui aura favorisé les bactéries lactiques.

 

Toutes les Œnococcus œni peuvent produire des goûts de souris et on ne sait pas pourquoi dans un cas elles vont en générer et dans un autre non. Nous avons testé des itinéraires différents de FA, des pilotages de fermentation, mais rien ne ressort. En théorie, tous les moûts contiennent les précurseurs (acides aminés), et l’oxygène est un facteur clé. Mais ensuite, on connaît peu le métabolisme des bactéries.

La seule solution pour éviter totalement le défaut est un itinéraire avec sulfitage. Selon les cas de figure et le stade d’apparition, on peut aussi diminuer la température, soutirer pour éviter la présence de bactéries indigènes qui pourraient déclencher le goût de souris, éviter l’élevage sur lies ou au moins faire analyser ses lies, filtrer. L’hygiène de cave est aussi un facteur clé.

Il est important d’identifier au plus tôt le défaut pour limiter son apparition et intervenir tant que le taux est bas. Pour cela, encore faut-il le reconnaître. À cet effet, nous avons lancé un coffret d’identification des goûts de souris.

Une fois que le défaut est là, il n’existe pas de solution curative miracle. Nous avons testé des tanins, charbons, PVPP, bentonites et des dérivés de levures. Parfois il y a une diminution du défaut, mais ce n’est pas stable. La solution pratiquée sur le terrain est l’attente, car le défaut finit par devenir imperceptible. Mais il faut avoir la possibilité d’attendre. »

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