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Soulèvements de la Terre : la décision du Conseil d’Etat plus nuancée qu'il n'y paraît

Par une décision sur le fond, le Conseil d’Etat annule le décret du 21 juin 2023 pris par Gérald Darmanin de dissolution du mouvement des Soulèvements de la Terre.  L’Institution juge que la mesure n’est pas « adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public ». Toutefois sa lecture approfondie montre qu'il n'est pas si simple d'y voir une victoire pour le groupement.

Manifestants des Soulèvements de la Terre à Sainte-Soline
Les Soulèvements de la Terre ont notamment initié des opérations contre la bassine de Sainte-Soline.
© Soulèvements de la Terre

[Mis à jour le 10 novembre à 10h30]

Le Conseil d’Etat vient de donner sa décision sur la légalité du décret 21 juin 2023 de dissolution des Soulèvements de la Terre et donne raison au mouvement face au gouvernement. 

Rappelant que depuis 2021 la loi (1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure) permet de dissoudre une association ou un groupement de fait qui provoque à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens, le Conseil d’Etat précise dans sa décision le mode d’emploi de ces dispositions. « Une dissolution est justifiée à ce titre si une organisation incite, explicitement ou implicitement, à des agissements violents de nature à troubler gravement l’ordre public », peut-on lire dans la décision du Conseil d’Etat.

Lire aussi : Soulèvements de la Terre : ce que dit le décret de dissolution sur son mode opératoire

« Peut constituer une telle provocation le fait de légitimer publiquement des agissements d’une gravité particulière ou de ne pas modérer sur ses réseaux sociaux des incitations explicites à commettre des actes de violence », précise le Conseil d’Etat. Il est aussi possible de « de dissoudre une association ou un groupement qui provoque ou contribue à la discrimination, à la haine ou à la violence envers les personnes en raison notamment de leurs origines ou de leur identité ».

Lire aussi : Les Soulèvements de la Terre : pourquoi le Conseil d’Etat suspend la dissolution

 

Pas de provocation à la violence contre les personnes

Concernant les Soulèvements de la Terre, le Conseil d’Etat « estime qu’aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre ». « Le relais, avec une certaine complaisance, d’images d’affrontements de manifestants avec les forces de l’ordre, nommant contre la construction de retenues d’eau à Sainte-Soline, ne constitue pas une revendication, une valorisation ou une justification de tels agissements », juge le Conseil d’Etat.      
 

Des provocations à des agissements violents à l’encontre des biens

Le Conseil d’Etat juge en revanche que les Soulèvements de la Terre se sont « bien livrés à des provocations à des agissements violents à l’encontre des biens ». 

Pour autant, le Conseil d’Etat estime « que la dissolution des Soulèvements de la Terre ne constituait pas une mesure adaptée, nécessaire et proportionnée à la gravité des troubles susceptibles d’être portés à l’ordre public au vu des effets réels qu’ont pu avoir leurs provocations à la violence contre des biens, à la date à laquelle a été pris le décret attaqué ». 

Et le Conseil d’Etat annule ainsi le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre.

Lire aussi : Sainte-Soline : un agriculteur en pleurs et 16 maires choqués  

Les Soulèvements de la Terre se sentent légitimés dans leurs actions

« C’est un sérieux revers pour le ministère de l’Intérieur » s’est félicité le mouvement Les Soulèvements de la Terre dans un communiqué. Et d’ajouter « Nous pouvons nous défendre et l’emporter face à la répression d’Etat : nous poussons mettre à l’arrêt des projets dévastateurs et faire reculer des multinationales écocidaires ». 

« En utilisant l’argument de l’absence de proportionnalité entre les actions du mouvement et la violence d’une dissolution, le Conseil d’Etat confirme, à notre sens, l’idée que face au ravage des acteurs privés, de l’agriculture intensive, de l’accaparement de l’eau, nos modes d’actions puissent et doivent être considérés comme légitimes », estiment encore Les Soulèvements de la Terre dans le communiqué.

Lire aussi : Violences à Sainte-Soline : « la responsabilité écrasante des trois organisateurs » pointée par la commission d’enquête

La décision du Conseil d’Etat est nuancée, souligne toutefois Arnaud Gossement

L’analyse de la décision du Conseil d’Etat qu’en font Les Soulèvements de la Terre n’est toutefois par partagée par tous. L’avocat Arnaud Gossement, spécialiste en droit de l’environnement, explique dans un Thread très instructif sur X (ex-twitter) en quoi la décision « très nuancée » du Conseil d’Etat « mérite d’être lue jusqu’au bout avant de parler de victoire ou de défaite ».

La décision mérite d'être lue jusqu'au bout avant de parler de victoire ou de défaite

Arnaud Gossement souligne par exemple comment le Conseil d’Etat relève « la complaisance » avec laquelle le groupement Les Soulèvements de la Terre a relayé des images et vidéos d’affrontements de manifestants avec des forces de l’ordre.

« Le Conseil d’Etat souligne que ce groupement de fait a pris l’initiative ou relayé des dommages à des biens. Surtout, il rejette l’argument selon lequel ces prises de positions pourraient être justifiées pour un motif d’intérêt général », poursuit l’avocat, qui estime que le Conseil d’Etat « semble ici répondre à ceux qui ont cru lire dans son ordonnance de référé-suspension une prise de position quelconque quand aux actions de désobéissance civile ».

Arnaud Gossement souligne aussi que le Conseil d’Etat va plus loin dans la critique des « agissements » du groupement en indiquant qu’ils rentrent bien dans le champ d’application du 1° de l’article L.212-1 du code de sécurité intérieure et qu’il rejette la demande d’annulation des mesures de surveillance de ce groupement.

Autre Point important : la légalité de la mesure de dissolution est « appréciée à la date du décret attaqué ». « Ce qui signifie clairement qu’en cas de nouvelles provocations postérieures à ce décret, l’appréciation du Conseil d’Etat peut (ou non) évoluer ».

Il ne s'agit pas d'un camouflet pour le gouvernement, selon Christophe Béchu

Ce matin sur France Info, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a également réagi à la décision du Conseil d'Etat, estimant qu'il ne s'agissait pas du tout d'un camouflet pour le gouvernement.

Christophe Béchu a poursuivi en déclarant que cette décision du Conseil d'Etat et son argumentaire ont « une vraie valeur d'avertissement pour ce collectif ». « Il y a un avertissement très clair et un appel à la retenue dans cette décision », insiste-t-il. « On a besoin de lanceurs d'alerte », reconnaît le ministre, mais "la violence n'est jamais justifiée"

Lire la décision du Conseil d'Etat

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