Un élevage de porcs bio cohérent conçu pour être performant
Pour gérer pérenniser son atelier bio de 120 truies naisseur-engraisseur, Jean-Hugues Tiriau s’est fixé pour objectif d’optimiser les performances techniques et d’avoir de bonnes conditions de travail.
Pour gérer pérenniser son atelier bio de 120 truies naisseur-engraisseur, Jean-Hugues Tiriau s’est fixé pour objectif d’optimiser les performances techniques et d’avoir de bonnes conditions de travail.
Installé depuis 2016 sur l’exploitation familiale à la suite de ses parents à Bais, en Ille et Vilaine, Jean-Hugues Tiriau a choisi de créer un atelier de 120 truies naisseur-engraisseur en production biologique. Pour cela, il a décidé d’arrêter l’atelier de vaches laitières et un engraissement de 330 places exploités en conventionnel. Les 67 hectares de SAU ont été également convertis au bio.
« J’avais pour objectif de monter un projet cohérent et structurant, qui se démarquait de la production conventionnelle », explique-t-il. « Je voulais investir dans une niche rémunératrice, qui réponde à une demande spécifique des consommateurs. Le porc bio répondait à ce cahier des charges ».
Anciennement technicien porc au Gouessant pendant une dizaine d’années, c’est tout naturellement qu’il se tourne vers cette coopérative pour commercialiser ses porcs charcutiers. Un contrat garantit un prix indexé sur celui de l’aliment pendant dix ans. « Les contrats passés entre l’éleveur, le Gouessant et l’abatteur Kermené sont exclusivement liés à l’existence de débouchés, afin de garantir l’écoulement de la production », explique Olivier Quentric, animateur du réseau bio au Gouessant.
Tous les animaux sont logés dans des bâtiments
La cohérence du projet s’est traduite par la mise en place d’un outil de production performant. Tous les animaux sont logés dans des bâtiments respectant les normes de la production biologique, avec notamment l’absence totale d’entrave, la présence systématique de paille, des surfaces plus importantes que le conventionnel et une courette extérieure partiellement couverte à tous les stades physiologiques. En tenant compte des contraintes liées au bio, l’objectif est d’atteindre 11 porcelets sevrés par portée et un indice de consommation global inférieur à 3,40. «On ne peut pas se permettre d’avoir de mauvaises performances. Par rapport au conventionnel, l’impact économique d’un problème technique est multiplié par trois », souligne Jean-Hugues Tiriau.
Pour arriver à ces objectifs, l’éleveur compte sur une conduite d’élevage rigoureuse, avec une conduite en 3 bandes de 36 truies à la mise-bas, et un objectif de 400 porcelets sevrés par bande. Certains détails du cahier des charges sont parfois difficiles à gérer. « L’interdiction des hormones de reproduction complique l’incorporation des cochettes dans les bandes. Les mises-bas peuvent parfois s’étaler sur trois semaines ». En revanche, le cahier des charges bio peut s’avérer bénéfique sur certains points. « L’interdiction de couper les queues ne pose pas de problèmes. Il n’y a pas de caudophagie, grâce à une faible densité dans les cases et la présence de paille ».
Limiter la pénibilité des tâches
Jean-Hugues Tiriau est également très attentif aux conditions de travail. Ses bâtiments ont été conçus pour limiter la pénibilité des tâches. « Il est certain que le bio nécessite plus de travail manuel que le conventionnel. La fourche est un outil un quotidien important. Il faut compter 1 UTH pour 50 à 60 truies NE maximum ». Mais des solutions existent pour rendre le travail moins pénible. « Avec un racleur récemment installé dans ma verraterie-gestante, je passe 35 minutes par semaine à nettoyer le bâtiment de 120 truies. Avant, avec 70 truies sans racleur, il fallait compter deux heures ». Les cases de post-sevrage et d’engraissement ont été conçues pour être faciles à pailler et à nettoyer. « Il ne faut pas de zones inaccessibles au télescopique. Ce sont elles qui compliquent les tâches de nettoyage ». À terme, il envisage d’investir dans une pailleuse automatique. L’éleveur a également installé pompe haute pression à poste fixe pour nettoyer tous les bâtiments. Les porcs charcutiers sont alimentés à la soupe, gage de carcasses de bonne qualité demandées par l’abatteur.
Quatre ans après son installation, Jean-Hugues Tiriau continue de structurer sereinement son projet. « Je me considère comme un entrepreneur. Les projets sont le moteur de mon activité ». Un nouveau bâtiment pour engraisser tous les porcelets est en cours d’achèvement. Les cultures vont être progressivement converties en bio. Les prochaines récoltes de mélanges blé/pois et triticale/féverolle seront stockées à plat sous un hangar pour être valorisées en faf. La récolte de maïs sera également conservée en silo-couloir. Ces matières premières serviront à l’alimentation des porcs charcutiers, associées à un complémentaire. Les aliments truies et porcelets sont achetés à l’Ufab, filiale du Gouessant. « La faf n’est pas indispensable à la bonne rentabilité de l’atelier porc. Je l’ai faite uniquement par volonté d’autonomie alimentaire et de cohérence par rapport à l’ensemble de l’exploitation ».
Avec l’acquisition récente de 90 hectares supplémentaires de SAU qui seront également convertis en bio, Jean-Hugues Tiriau a pour objectif de gérer son exploitation avec 2.5 UTH. La sous-traitance de certaines tâches sur les cultures servira de variable d’ajustement.
À plus long terme, l’éleveur envisage de créer une petite activité de vente directe. « Il y a une telle demande qu’on ne peut pas ne pas s’y intéresser. Je veux aussi être acteur de la commercialisation de mes produits », justifie-t-il.
"Tout mon entourage me félicite"
Le montant de l’investissement est relativement élevé par rapport à un élevage conventionnel. « En moyenne, il faut compter entre 8 000 et 13 000 euros par truie », indique Olivier Quentric. Cependant, l’éleveur est soutenu sans difficulté par sa banque. « Grâce au groupe de huit éleveurs bio constitué depuis 2016 au Gouessant, nous avons constitué de solides références technico-économiques qui rassurent les financeurs ».
L’éleveur apprécie également la qualité de vie liée à son choix de production. « Tout mon entourage me félicite de mener ce projet. La perception du bio auprès de la société est incroyablement positive ».
Seuls les contrôles de certification peuvent provoquer des sueurs froides, tant les conséquences d’une non-conformité pourraient s’avérer désastreuse. « Un défaut mineur peut être sanctionné d’une interdiction temporaire de commercialisation pendant six mois sous le label bio. Cette sanction peut être catastrophique pour la trésorerie et l’image de l’exploitation ». Par ailleurs, une non-conformité est un motif de résiliation du contrat de vente. Jean-Hugues Tiriau souligne cependant que cette rigueur est l’un des moyens qui permet de protéger le marché bio. « Elle garantit le sérieux de la production et pérennise nos exploitations », conclut-il.