Le sorgho, une nouvelle opportunité pour l'alimentation à la ferme des porcs charcutiers
L’intérêt du sorgho face au changement climatique pourrait favoriser le développement de sa production en France et en Europe. Son utilisation est similaire à celle du maïs, à un coût plutôt inférieur.
En 2023, plus de 40 millions d’hectares de sorgho grain ont été cultivés dans le monde, dont 323 000 hectares en Europe, soit une hausse en Europe de 5 %.
En France, 55 800 hectares ont été consacrés au sorgho grain en 2023, soit 15 % de plus qu’en 2022. « Le sorgho grain est une bonne alternative au maïs face au changement climatique, a souligné Frédéric Guedj, de la firme semencière Lidea, lors d’une réunion d’Airfaf Pays de la Loire. Ses besoins en eau sont inférieurs de 50 % à ceux du maïs grain. Une couche cireuse limite la transpiration de la plante. Son système racinaire est efficace et son cycle plus court que celui du maïs. Il peut continuer sa croissance à une température de 33-34 °C et est autogame (autofécondant, N.D.L.R.) à plus de 80 %. Il est donc moins impacté par les fortes chaleurs. Et il est par ailleurs tolérant à la chrysomèle, nécessite peu d’intrants et permet aujourd’hui un rendement de 50 quintaux par hectare en moyenne. »
Une formule moins coûteuse qu’avec du maïs
En Europe, 80 % du sorgho grain est utilisé en alimentation animale, notamment en porc. Selon les données Qualit@lim d’Arvalis, sa teneur en protéines est supérieure à celle du maïs (10,7 % contre 8,2 %), sa valeur énergétique et sa teneur en amidon similaires. Le sorgho grain présente aussi beaucoup moins de risques de mycotoxines, du fait de sa fleur ouverte, plus aérée. Il est généralement exempt des principales mycotoxines redoutées en production porcine (DON, zéaralénone, aflatoxine, fumonisine, T2 + HT2). Les variétés actuelles contiennent par ailleurs très peu de tanins qui nuisent à la digestibilité de la graine. Une teneur en tanin inférieure à 0,3 % est en effet exigée pour l’inscription des nouvelles variétés de sorgho en France et dans l’Union européenne. La plupart des variétés ont ainsi une teneur en tanins inférieure à 0,14 %. « Le sorgho grain peut donc être utilisé comme ingrédient principal dans les rations des porcs, assure Frédéric Guedj. Et les variétés à grain blanc ou à grain roux ont les mêmes valeurs et les mêmes utilisations possibles. » Broyer fin est essentiel pour assurer la disponibilité des protéines et des acides aminés. Selon un essai Lidea, la disponibilité de la MAT passe de 82 % pour un broyage grossier du sorgho (4 mm) à 85 % pour un broyage fin (2 mm) et celle de la lysine de 73 % à 80 %. « Selon les usages, un broyage à 2-3 mm est recommandé », insiste le semencier. Dans les rations, le sorgho grain sec ou humide est apporté en remplacement du maïs, à la même hauteur, ou en association avec du maïs. Une étude d’Idena en porc croissance Airfaf, comparant une ration à base de sorgho (20 %), maïs (15 %) et blé (40 %) à une ration à base de maïs (35 %) et blé (39 %) montre que, avec le sorgho, il est possible de réduire le tourteau de soja (11,4 %/12,5%) sans effet significatif sur l’énergie nette porcs ou les protéines. La même étude en finition (maïs 20 %-sorgho 20 %-blé 39 % vs maïs 40 %-blé 38 %) a donné les mêmes résultats. S’y ajoute une baisse de la teneur en acide linoléique de la formule, permettant une meilleure qualité du gras de porc. « En comptant le sorgho au même prix que le maïs, les gains pour ces formules sont de 3 à 5 euros par tonne d’aliment », indique Frédéric Guedj. Les mêmes recettes peuvent être appliquées en sorgho humide, en corrigeant ensuite selon l’humidité.
Soigner l’implantation de la culture
Avec la mise au point de variétés très précoces, il est aujourd’hui possible de produire du sorgho dans le Sud-Ouest, le Sud-Est, en Pays de la Loire, Centre Val-de-Loire, région parisienne, Auvergne-Rhône-Alpes. Comme pour beaucoup de cultures, le semis est la clé de la réussite. « Il faut une préparation du sol fine, un semis de précision, si possible au semoir pneumatique, à 2 ou 4 centimètres de profondeur, dans un sol à au moins 12 °C, entre 250 000 et 350 000 graines par hectare en sec », précise Frédéric Guedj. La fertilisation doit se limiter au strict nécessaire (30 à 100 UN/ha en général). Le sorgho étant sensible à la concurrence précoce des adventices, le désherbage est primordial. Les solutions en post-semis-prélevée étant limitées, un passage de herse-étrille ou de houe rotative quelques jours après le semis peut être très utile. La lutte s’articule ensuite autour d’un désherbage au stade trois feuilles du sorgho, puis d’un désherbage ou d’un binage au stade 4-8 feuilles. La récolte au bon stade est ensuite essentielle. « À maturité de la panicule, les feuilles du sorgho restent vertes », signale Frédéric Guedj. La récolte se fait en général à 30 % d’humidité pour un silo grain humide, à 15-16 % pour du sorgho grain sec. En grain sec, si l’humidité est inférieure à 16 %, une ventilation froide suffit. Entre 16 et 18 %, il peut être utile de sécher le grain à 15 %. Au-dessus de 18 %, le séchage est obligatoire.
Repères
Le sorgho reste aujourd’hui indexé sur le cours du maïs et est en général vendu 10 euros de moins que celui-ci. Une réelle lisibilité nécessiterait la mise en place d’un cours officiel
Avis d’éleveur - Nicolas Gentilhomme, SCEA la Maillardière, en Maine-et-Loire
« Des performances similaires au maïs »
« De 2017 à 2021, j’ai cultivé du sorgho sur 15 hectares de surface non irrigable pour l’alimentation des porcs de notre élevage de 230 truies naisseur-engraisseur. Je l’utilisais comme le maïs, à raison de 50 % de sorgho et 50 % d’aliment complémentaire, pendant tout l’engraissement. Le sorgho, récolté en grain humide avant le maïs, à 25 % d’humidité, était ensilé, puis je complétais le silo avec du maïs. En termes d’organisation du travail, c’est très simple. Cela se passe comme pour le maïs. Les résultats sont similaires à ceux obtenus avec du maïs. La seule difficulté est que du sorgho grain à 25 % d’humidité coule mal dans les descentes. Je semais le sorgho en général mi-mai, 15 jours après le maïs, à 280 000 graines par hectare, avec un apport de 30 m³ par hectare de lisier puis 100 unités d’azote. Le désherbage est le point le plus délicat. Les produits utilisables en post-semis prélevé nécessitent des conditions humides. Un rattrapage est ensuite possible, mais il peut être insuffisant si la parcelle est trop enherbée. Pendant trois ans, ça s’est bien passé. Mais la dernière année, j’ai semé le sorgho plus tard, après une orge, vers la mi-juin. Il a alors fait trop sec pour que le traitement en post-semis fonctionne. J’ai été débordé par les mauvaises herbes. Comme je suis plus éleveur que cultivateur, j’ai décidé d’arrêter le sorgho. Aujourd’hui, nous nous reposons la question d’en produire. Mon associé, qui produit par ailleurs des céréales et est donc plus professionnel sur les cultures, cultive du maïs, mais manque d’eau pour l’irrigation. L’idée serait de remplacer une partie du maïs par du sorgho, ce qui permettrait d’avoir les volumes d’eau nécessaires pour le maïs et, s’il en reste, pour le sorgho. »