Un jour avec
Un échantillon paiement de lait de brebis, son parcours de la ferme au labo
En 24 heures un échantillon de lait parcourt des centaines de kilomètres pour être analysé. Le montant de la paye du producteur laitier est en jeu, selon la composition et la qualité microbiologique du lait.
En 24 heures un échantillon de lait parcourt des centaines de kilomètres pour être analysé. Le montant de la paye du producteur laitier est en jeu, selon la composition et la qualité microbiologique du lait.
18 h
Traite au Gaec Elgarekin, à Saint Michel, dans la montagne basque. Jean-Michel Arrossagaray et Franck Iraçabal, associés depuis quinze ans, commencent la traite de leurs 260 brebis de race Manech tête rousse, inscrites au contrôle laitier. Ils sont à la fois livreurs et actionnaires de leur fromagerie, spécialisée en fromage Ossau-Iraty, la fromagerie Les Bergers de Saint Michel. Comme le laitier, les producteurs ignorent quels jours les analyses de lait auront lieu, afin d’éviter toute fraude. Ils savent juste que leur fromagerie procède à quatre analyses par mois.
20h
Échantillonnage par le laitier. Arrivé dans la laiterie de la ferme, Mathieu Haristoy, le laitier, étiquette un flacon de 60 ml, en y apposant un code-barres qui anonymise l’échantillon tout au long de la chaîne. Puis il plonge sa louche soigneusement désinfectée dans le tank à lait, afin de remplir le flacon. Avant de remonter dans son camion-citerne, il désinfecte la louche dans le fourreau prévu à cet effet et place l’échantillon dans une glacière qui contient depuis le début de la tournée, deux « mouchards » qui sont des étalons de température, un avec de l’eau pour une mesure de température et un traceur de température.
« Si les volumes des éleveurs étaient plus gros, le camion serait équipé d’un système de prélèvement automatique, mais notre fromagerie privilégie le lait certifié agriculture biologique et le lait de montagne, nos 40 fournisseurs produisent modestement entre 20 litres et 400 litres par jour », explique Mathieu Haristoy. Cette nuit-là, sa tournée passe dans 16 fermes et le laitier recommence l’opération autant de fois. À minuit, il décharge sa citerne et s’empresse de placer le panier des échantillons et les deux mouchards dans un réfrigérateur.
8 h
Remplissage du bordereau. Le lendemain, au laboratoire de la fromagerie, Jérôme Lauzet, le directeur, remplit le bordereau de remise des échantillons, destiné au laboratoire. Il renseigne le document support qui identifie la fromagerie, colle différentes étiquettes codes-barres, renseigne le mode de collecte, les horaires de la tournée et complète les volumes collectés. En suivant, le panier d’échantillons est placé dans un réfrigérateur à disposition du transporteur du laboratoire.
16h
Passage du transporteur. Samuel, des Transports Aio (Lamazère), prestataire formé par le laboratoire notamment pour le respect de la chaîne du froid, arrive à la fromagerie. Il récupère le panier des échantillons de la fromagerie de Saint Michel plus des échantillons de lait de vache d’une autre fromagerie et des flacons de producteurs fermiers. Le réfrigérateur des Bergers de Saint Michel sert effectivement de point de dépôt pour plusieurs entreprises afin de faciliter la collecte du transporteur dans la vallée de Saint-Jean-Pied-de-Port.
3h
Samuel, ce jour-là, effectue une tournée de 450 km pour le compte du laboratoire. Ces tournées sont réalisées du dimanche au vendredi, dans le souci permanent du respect de la chaîne du froid. À chaque point de collecte, il mesure la température de stockage à travers l’échantillon témoin d’eau présent dans le panier. La température de consigne est entre 0 °C et 4 °C (6 °C ce jour-là à cause de notre reportage photo). En cas de non-conformité, il note sur le bordereau l’écart relevé afin d’en informer le laboratoire. À 3 h du matin, arrivé au laboratoire Agrolab’s à Auch, il décharge sa collecte dans une chambre froide, mettant ainsi les échantillons à disposition du service « réception » du laboratoire.
5h
Tri et enregistrement des échantillons au laboratoire Agrolab’s, grâce aux codes-barres. Ce groupe, expert des analyses dans le domaine agroalimentaire et laitier, propose également des analyses de fourrages. Il dispose de trois laboratoires à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Aurillac (Cantal) et Auch (Gers). Agrolab’s est le laboratoire de référence pour les interprofessions caprines, bovines et ovines. Il permet de faire appliquer la loi Godefroy, soit l’obligation de payer aux producteurs le lait en fonction de ses constituants physico-chimiques et de sa qualité bactériologique.
7h30
Les échantillons entament leur procédure d’analyses. À savoir, une première série d’analyses bactériologiques et un dépistage des inhibiteurs. Dans un second temps, le flacon passe sur un analyseur infrarouge couplé à un compteur cellulaire qui mesure la matière grasse, la matière protéique, les cellules, la présence d’eau (la cryoscopie), les spores butyriques. Certaines entreprises recherchent aussi les coliformes ; autant de critères déterminant la grille de paiement.
18h
Publication des analyses. Selon les fromageries et les options choisies par les éleveurs, les résultats sont visibles sur le téléphone portable ou l’ordinateur de Jean-Michel Arrossagaray, « afin de pouvoir rectifier au plus vite en cas de résultats inadéquats ». Les résultats appartiennent à l’éleveur qui les paye, mais il est tenu de les rendre accessibles à sa laiterie.