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Eaux usées : comment se préparer à de nouveaux usages

Les méthodes d’analyse évoluent peu, mais la sobriété s’impose sur l’eau comme sur l’énergie. D’où les débats autour de la réutilisation des eaux usées en agroalimentaire, Re-use. De telles réutilisations imposeront de nouvelles modalités de contrôle pour atteindre les normes de l’eau potable.

En Belgique, si l'eau usée est rendue potable, elle peut être réutilisé.
En Belgique, si l'eau usée est rendue potable, elle peut être réutilisé.
© ABEA

Les industriels de l’agroalimentaire représentent le troisième plus gros consommateur industriel d’eau douce en France, derrière l’industrie chimique et pharmaceutique et les producteurs d’électricité. Et les sécheresses répétées pointent l’intérêt d’une réflexion de fond sur la sobriété avec une demande forte pour l’autorisation de réutilisation des eaux usées, les traitements dans les stations des entreprises, par filtration sur sable, ultrafiltration, nanofiltration, voire osmose inverse sécurisant la qualité sanitaire.

Le décret en cours de rédaction devrait déterminer le cadre réglementaire, pour une réutilisation des eaux non conventionnelles, que ce soit pour un contact indirect ou direct avec les denrées (par exemple le nettoyage des machines) ou sans contact (par exemple le lavage des camions). « En France, l’un des problèmes est lié à la définition même de l’eau potable en rapport à l’origine "naturelle" de cette eau et non aux caractéristiques intrinsèques de l’eau validées par les contrôles en laboratoire », explique Clothilde d’Argentré, chef de projets filières et environnement à l’ABEA, le réseau de l’agroalimentaire breton.

En attente de décrets d’application

Tout comme les usages de l’eau, le cadre législatif associé à la gestion de l’eau en agroalimentaire se trouve à l’interface de la réglementation liée à la santé publique et de la réglementation environnementale. Elle relève donc du paquet hygiène (règlements 852/2004 et 853/2004) et directive 2020/2184 relative à la qualité de l’eau potable, d’une part, et, d’autre part, le cadre des émissions de substances dans l’eau avec la directive cadre sur l’eau (DCE), le règlement REACH et la directive IED.

En France, l’utilisation de l’eau en IAA est encadrée par le Code de la santé publique. Son article L1322-14 ouvre la possibilité d’utiliser de l’eau impropre à la consommation en IAA lorsque la qualité de l’eau n’a aucune influence directe ou indirecte sur la santé de l’usager et sur la salubrité de la denrée finale, mais il manque les décrets d’application pour ces dispositions. L’ABEA comme l’Ania et La Coopération agricole travaillent pour soutenir cette demande de valorisation des eaux non conventionnelles (issues de rejets, comme l’eau du lait après son séchage) ou tout au moins déjà son expérimentation, annoncée dans les conclusions du Varenne agricole de l’eau.

Plusieurs pays favorisent déjà la réutilisation des eaux usées (Re-use). Ainsi, les industriels belges de l’agroalimentaire peuvent réutiliser leurs eaux non conventionnelles dans leurs procédés s’ils prouvent qu’elles ont la qualité requise, et ce, quelle que soit leur origine : naturelle, excédent ou rendue propre par traitement.

L’exemple de la Belgique

L’ABEA qui rassemble les industriels agroalimentaires bretons se mobilise depuis 4 ans sur cette question de la réutilisation de l’eau. L’association a d’ailleurs organisé un voyage d’étude en Belgique, en décembre 2022, avec Aquaprox, spécialiste du traitement de l’eau dans le cadre du partenariat qu’ils ont mis en place début 2021. « Les participants ont découvert la réglementation mise en place en Belgique sur la réutilisation des eaux usées traitées pour un nouvel usage apte au contact alimentaire dans le processus industriel », explique Clothilde d’Argentré. L’approche belge est basée, depuis 10 ans, sur la qualité de l’eau avec une obligation de résultat, quelle que soit l’origine de l’eau, et une responsabilisation de l’exploitant qui met en œuvre sa démarche HACCP (analyse et maîtrise des risques).

La vingtaine d’industriels a pu visiter un abattoir de bovins et une unité de lavage de citernes de produits alimentaires dans la province flamande et plus particulièrement leurs installations de Re-use en sortie de station d’épuration. Les deux entreprises visitées couvrent entre 70 et 80 % de leurs besoins en eau grâce à de l’eau réutilisée.

Agria Grand Est et Hydréos ont de leur côté lancé, en 2020, une étude pour accompagner la dynamique des entreprises de la Région vers des modes de gestion plus performants et durables avec le soutien financier de l’agence de l’eau Rhin-Meuse. La valorisation des eaux de rejet fait l’objet d’une fiche dédiée (fiche 23) dans le guide opérationnel des bonnes pratiques et des pistes d’innovation qu’ils ont édité en 2022.

Les eaux usées non traitées, riches en matières organiques biodégradables et en éléments fertilisants pourraient être valorisées plus systématiquement en méthanisation ou en épandage et ferti-irrigation selon leurs caractéristiques, dans le respect de la réglementation associée à chaque usage.

Forum Labo revient en mars

Du 28 au 30 mars 2023, le salon Forum Labo se tiendra dans le hall 4 du parc des expositions de la porte de Versailles (Paris XVe). Ses 300 exposants couvrent l’ensemble de la chaîne : consommables, produits/réactifs, équipements, instrumentations et services.

Le salon renouvelle son espace Lab’Start-up pour regrouper les dix start-up gagnantes du «challenge» (annonce en attente à l’heure où nous mettons sous presse).

Outre ses conférences, Forum Labo héberge également le 15e congrès de l’Association francophone des sciences séparatives. À suivre notamment, le mardi 28 mars, la conférence plénière de Davy Guillarme (université de Genève) sur la chromatographie et l’analyse pharmaceutique (9 h 50) et le poster de Juliette Vievard (université de Normandie) sur le potentiel d’un filtre biosourcé et local pour épurer les eaux de ruissellement (à partir de 11 h 30) ou bien encore, à 14 h 45, le potentiel des réseaux moléculaires pour l’analyse non ciblée des composés organiques dans l’eau (Lamia Moufarrej, université de Rouen).

Un cadre réglementaire encore flou

Il n’existe pas aujourd’hui de cadre d’analyses pour la réutilisation des eaux usées des industries agroalimentaires. Les valeurs sont spécifiques en fonction des rejets.

Les professionnels réunis au sein des groupes de travail ABEA et Atla proposent de reprendre les limites de qualité actuellement en vigueur pour la production d’eau potable. Elles sont fixées par l’arrêté du 11 janvier 2007, modifié par l’arrêté du 30 décembre 2022. L’analyse de potabilité complète inclut les paramètres microbiologiques (E. coli 0/100 ml, entérocoques intestinaux 0/100 ml) et les paramètres chimiques, que ce soit la turbidité (1 NFU), les pesticides ou les métaux.

Du côté des eaux de rejet, c’est l’arrêté du 7 avril 2012 qui fixe, dans son article 35, les valeurs limites, sans préjudice de l’autorisation de déversement délivré par la Préfecture (article L.1331-10 du Code de la santé publique). Les valeurs sont contrôlées sur effluent brut non décanté et non filtré, sans dilution préalable ou mélange avec d’autres effluents.

Avant leur rejet, les eaux doivent présenter un pH entre 5,5 et 8,5 (9,5 en cas de neutralisation alcaline) et une température maximale de 30 °C. Si les caractéristiques varient fortement d’une industrie à l’autre, les critères mesurés sont au minimum la DBO5 (demande biologique en oxygène au bout de 5 jours), la DCO (demande chimique en oxygène), les MES (matières en suspension totales), l’azote et le phosphore.

Rejet dans un réseau d’assainissement

Si elles sont rejetées dans un réseau d’assainissement collectif muni d’une station d’épuration, ces eaux doivent, par ailleurs, présenter un maximum de 600 mg/l de matières en suspension, une DCO de 2 000 mg/l et une DB05 de 800 mg/l. Si elles sont rejetées dans le milieu naturel ou dans un réseau d’assainissement collectif dépourvu de station d’épuration, les matières en suspension ne dépassent pas 100 mg/, la DCO 300 mg/l et la CB05 100 mg/j. Les rejets doivent dans tous les cas être compatibles avec la qualité ou les objectifs de qualité des cours d’eau. Des contraintes spécifiques à certains polluants s’ajoutent à ces valeurs comme l’indice phénol à 0,3 mg/l, le chrome hexavalent à 0,1 mg/l, comme les cyanures totaux et l’arsenic, l’AOX à 5 mg/l, les hydrocarbures totaux à 10 mg/l et les métaux totaux (Pb, Cu, Cr, Ni, Zn, Sn, Cd, Hg, Fe, Al) à 15 mg/l.

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