Viande bio et sécurité sanitaire : retour sur les résultats du projet Someat
Le projet Someat a mis en évidence une teneur plus élevée dans la viande bio en polluants organiques qu’en conventionnel. L’augmentation du risque n’est pas significative, mais devra être traitée à l’avenir.
Mené entre 2013 et 2017 par l’Inrae, le projet Someat a évalué les bénéfices et risques éventuels de la viande biologique au regard de ses teneurs en contaminants chimiques répartis en cinq familles : polluants environnementaux et organiques, métaux lourds, résidus d’antibiotiques, mycotoxines et résidus de pesticides. « Les aliments bio sont perçus comme plus sûrs pour le consommateur, mais il n’existait pas de preuves scientifiques de ces allégations », contextualise Erwan Engel, directeur de recherche de l’Inrae.
Trois viandes étudiées
Le projet Someat a conduit à la recherche de 256 contaminants dans 260 échantillons représentatifs des principales viandes consommées en France : bovine, porcine et de volaille. « Les prélèvements ont été réalisés en abattoir. Les échantillons bio ont été comparés à leurs homologues conventionnels », détaille Erwan Engel.
Les échantillons conformes à la réglementation
« Toutes les analyses des échantillons ont montré que les produits étaient conformes aux réglementations », se réjouit Erwan Engel. Les viandes présentaient des teneurs en contaminants étudiés toutes inférieures aux seuils de tolérance européens à ne pas dépasser. « Les résultats montrent que les filières françaises viande nationales font du bon travail », ajoute-t-il. Les taux de mycotoxines, pesticides et produits vétérinaires n’ont rien montré d’alarmant.
Davantage de polluants organiques dans la viande bio
Les résultats de Someat qui peuvent intriguer résident dans l’analyse des teneurs en polluants organiques persistants d’origine environnementale, ces dernières étant significativement plus élevées dans la viande bio que dans la viande conventionnelle. Ces substances sont des dioxines, des furanes ou des polychlorobiphényles (PCB), dont la présence dans nos aliments est jugée préoccupante par les autorités sanitaires. Issues de procédés industriels, elles sont libérées dans l’environnement et s’accumulent dans la chaîne alimentaire, principalement dans les graisses animales.
« Les niveaux varient d’un facteur 1 à 3 selon les échantillons. La surexposition du consommateur à ces substances est 1,5 fois plus élevée lorsqu’il consomme de la viande bio que de la viande conventionnelle, précise Erwan Engel. Ces résultats peuvent paraître anxiogènes, mais il faut rappeler que la consommation de viande bio en France représente moins de 5 % de la consommation totale de viande. Le sur-risque n’est donc pas significatif. » Ces observations s’expliquent par une plus forte exposition des animaux à l’environnement, via des durées d’élevage plus longues qu’en conventionnel et par l’obligation de donner un accès à l’extérieur.
Comment gérer ce risque augmenté ?
Si Someat ne remet pas en cause le développement d’une alimentation bio, « les résultats alertent sur un risque sanitaire qui pourrait devenir significatif si la consommation de viandes bio augmente, avertit Erwan Engel. Nous cherchons des financements pour poursuivre les recherches. » Celles-ci consisteront en l’établissement de différents scénarios autour de la façon de gérer l’exposition à ces substances selon l’évolution des filières animales bio tout en étendant les analyses aux filières lait, œuf et miel. « Il y a plusieurs pistes : une évolution des cahiers des charges, développer des outils de prévention, une mise en place d’études rapides d’environnement avant l’installation d’élevage comme on le fait avec les analyses de sols », évoque Erwan Engel.
Grâce aux dispositifs technologiques mis en place dans les années 2000 pour limiter les émissions (incinérateurs de déchets, de dioxines, furanes et PCB), les teneurs en polluants organiques diminuent continuellement aujourd’hui. « Les expositions vont baisser au fur et à mesure des années », conclut Erwan Engel.