Vers une meilleure maîtrise du marché

Après l’hécatombe de 2007, qui a vu un grand nombre de producteurs de veau de boucherie mettre la clé sous la porte, le marché du veau semble mieux maîtrisé par les quelques grands groupes restants. Pour mieux comprendre, il faut revenir en arrière. Il y a deux ans, en 2007, la situation était purement et simplement désastreuse au stade de la production : la perte avoisinait les 200 €/veau au paroxysme de la crise. Cette hécatombe avait été provoquée par la très forte progression du prix de la poudre de lait qui avait monté en flèche pour atteindre des niveaux records sur l’été (plus de 3 700 €/tonne, aujourd’hui elle n’est plus cotée et se trouve en dessous de 1 500 €/tonne).
Cette envolée provoquée par une sous-production mondiale (sécheresse en Australie et Nouvelle-Zélande) et par une spéculation insoupçonnée n’était que les prémices de la crise que les producteurs laitiers traversent actuellement.
L’hécatombe qui a suivi cette crise a frappé de nombreux petits producteurs, qui ont vu fondre en quelques mois les bénéfices de plusieurs années de travail. De nombreuses grosses structures ont également fermé. Elles ont été reprises en partie par les quelques poids lourds de la filière, qui même fortement touchés par cette crise ont su retrouver les ressources nécessaires pour passer ce cap difficile. Les regroupements qui ont suivi ont favorisé la maîtrise d’un marché trop éclaté.
Actuellement les mises en place sont en adéquation avec les besoins du marché. Ce travail d’approche doit être rigoureux avec des données assez volatiles. L’offre en petits veaux a été décalée par l’épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO). La production européenne est en pleine mutation face à la politique de réorientation des aides de chaque pays et des pratiques de production très différentes entre le veau alternatif hollandais et le veau français.
La viande de veau reste appréciée
Un autre point important pour cette filière reste le prix des matières premières. Après la crise de 2007, une grande partie des ateliers a quitté l’alimentation lactée pour se réorienter vers le lactosérum et des produits végétaux pour réduire les coûts, la production de veau label étant restée en partie alimentée par de la poudre de lait écrémée. Ces produits d’alimentation animale sont actuellement à des niveaux de prix très bas et participent grandement à la maîtrise des coûts de production.
L’autre point majeur, et également favorable, est le niveau de la consommation. Bien qu’en légère progression sur l’année, elle peut connaître de fortes variations en fonction de la concurrence des autres produits, mais surtout de la politique tarifaire des grandes et moyennes surfaces. La viande de veau, est toujours très appréciée des consommateurs, tant pour ses qualités gustatives que sa facilité et sa rapidité de cuisson. Malgré la crise économique qui incite les ménages à maîtriser leur budget alimentaire, les achats en grande distribution semblent vouloir se développer (+0,3 % depuis le début de l’année). Le mois de mai enregistrerait même une hausse de
6,6 % ! Pourtant, cette viande reste l’une des plus onéreuses, s’écoulant en moyenne autour de 14,34 euros le kilo depuis janvier selon les dernières données du panel TNS-Secodip. Toutefois, au capital sympathie de la viande de veau s’ajoute cette année une politique de prix nettement plus raisonnable de la part des distributeurs (prix moyen en repli de 3,9 % par rapport à l’an dernier), et des efforts de communication de la filière veau, notamment pour la Pentecôte.
Perspective plutôt sereine pour l’été
La filière veau de boucherie entame la saison estivale assez sereinement, avec des sorties en adéquation avec les besoins du marché et des mises en place mesurées pour pallier la baisse saisonnière de la consommation en été. Les vacances et les fortes chaleurs de l’été font généralement baisser la consommation de l’ordre de 20 %. Le retard accumulé il y a deux mois après la pression du veau hollandais sur le marché européen a été estompé par le très bon niveau de consommation du mois de mai. Les coûts de production en veaux frisons sont actuellement autour de 4,60 €/kg pour un prix de vente proche des 5 €/kg de carcasse (O rosé clair). Ces bons résultats sont le fruit d’une politique agressive sur le prix des petits veaux, qui bénéficient pleinement de la faiblesse tarifaire des matières premières. Ces chiffres ne sont qu’une photographie à un instant T, bien sûr, et ne peuvent être considérés comme une moyenne. La progression du prix des petits veaux (même maîtrisée) depuis deux mois, va contribuer au relèvement des coûts de production. Cette filière est habituée aux grandes variations et doit garder les reins solides pour pérenniser la valorisation des petits veaux.
La France demeure le premier consommateur de viande de veau dans le monde. Cette viande noble doit garder un coût de production raisonnable tout en permettant une rémunération juste aux producteurs. La balle est encore une fois dans le camp de la grande distribution, qui en prenant plus ou moins de marges peut assurer la pérennité de cette filière.