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Assises
Vers un marché du bio à deux vitesses ?

Les distributeurs spécialisés et généralistes ont confronté leurs conceptions et priorités relatives au bio à l’occasion des Assises de l’agriculture biologique, organisées le 14 novembre à Paris. Les marges de progression et les perspectives pour construire le bio de demain à la française ont aussi été discutées.

Avec une demande et un marché biologique en plein essor, la grande distribution a renforcé ses positions (voir graphique ci-contre) avec une croissance de 22,6 % de ses ventes en 2018 par rapport à 2017. La progression des enseignes spécialisées est moindre avec « seulement » 7,7 %. La guerre semble être déclarée entre les deux camps avec une campagne publicitaire offensive lancée le 13 novembre par le Syndicat national des distributeurs spécialisés de produits biologiques (Synadis).

Le Synadis y dénonce les risques de dérive du bio engendrée par le développement des ventes en grande distribution. Il craint la baisse des exigences sur la qualité des produits et l’industrialisation progressive du bio. Benoit Soury, directeur du marché bio à Carrefour, s’est déclaré « très choqué » par ce film tandis que Michel-Édouard Leclerc, président-directeur général de E.Leclerc, s’en est amusé le 14 novembre en tribune des Assises de l’agriculture biologique.

Cette 12e édition organisée par l’Agence bio a été l’occasion d’aborder les questions relatives aux valeurs et priorités du bio. Son juste prix a aussi été débattu.

Des conceptions différentes

Les magasins spécialisés voient la filière biologique comme « un changement de paradigme construit en alternative au modèle de production de masse », a déclaré Pierrick de Ronne, président du réseau Biocoop. Il a déploré une industrialisation progressive de l’agriculture biologique au détriment de ses valeurs fondamentales qui « dépassent la simple vision commerciale », précise-t-il.

14 % des Français sont à 1 euro près

La grande distribution se défend en maintenant l’idée qu’une alimentation saine et équilibrée doit être accessible à tous. L’offre de produits doit « respecter le niveau d’engagement bio du consommateur », a lancé Lyse Manzoni, adhérente produits biologiques à Intermarché. Les citoyens veulent manger davantage de produits biologiques, mais le premier frein à l’achat reste le prix. Elle rappelle ainsi que « si un Français sur six est à 10 euros près sur son panier de produits, 14 % des consommateurs le sont à 1 euro près », et que la différenciation par les prix reste une politique d’enseigne.

Quel juste prix pour le bio ?

Cette recherche de prix bas et les logiques de promotions dans lesquelles se trouve la grande distribution font craindre une guerre des prix entre distributeurs. Cela risquerait de tirer les prix vers le bas comme ce fut le cas pour l’agriculture conventionnelle.

Pour se différencier de leurs concurrents, les distributeurs spécialisés ont créé une charte commune. Biocoop défend un prix juste construit sur une « somme de rémunérations aux différentes étapes de création de valeur, contrairement au conventionnel qui a formé son prix par la déconstruction, en partant d’un prix de vente consommateur », s’est targué Pierrick de Ronne.

Cependant, il reconnaît que les prix pratiqués par son enseigne ne sont pas toujours en accord avec les attentes consommateurs, et il travaille aujourd’hui avec ses équipes pour les réduire progressivement.

Un fonds commun pour financer transition et accessibilité

De son côté, Benoit Soury a fait valoir l’action menée dans le bio par le groupe Carrefour qui accompagne 1 800 éleveurs, agriculteurs et viticulteurs bios ou en conversion, avec des contrats sur cinq ans, et des engagements d’achat de production, voire du financement. Le groupe a aussi lancé deux fonds de financement pour accompagner ses partenaires.

Michel-Édouard Leclerc a de son côté proposé l’idée d’un fonds commun pour accompagner les producteurs dans la transition et financer l’accessibilité du bio. Il a également plaidé pour la mise en place d’outils fiscaux telle qu’une baisse de la TVA sur les produits biologiques.

« Sur ce marché porteur, le consommateur est prêt à payer plus cher, mais demande plus de transparence », a affirmé de son côté Olivier Andrault, chargé de mission agriculture et alimentation pour UFC-Que choisir. L’association indique militer auprès de l’observatoire de la formation des prix et des marges pour « une transparence totale comprenant des informations sur les prix et les marges réalisées tout au long de la chaîne de production et par enseigne ».

Beaucoup d’efforts doivent encore être réalisés, mais la grande distribution tout comme les enseignes spécialisées sont favorables à cette évolution.

Vers une transparence totale

Par ailleurs, des progrès et des justifications sur la construction du prix des produits biologiques sont attendus. « Les consommateurs, notamment les jeunes, ne recherchent pas seulement des produits sains et ayant un impact environnemental positif. La prise en compte de critères éthiques, d’équité, de localité et en faveur du bien-être animal est de plus en plus recherchée dans l’acte d’achat », a précisé Florent Guhl, directeur de l’Agence bio.

Quels qu’ils soient, les progrès devront être accompagnés au niveau scientifique et par les pouvoirs publics. Ces derniers doivent « fixer le cadre agricole ou agroalimentaire en tenant compte des problématiques de compétitivité », a appuyé Michel-Édouard Leclerc.

Coconstruire l’agriculture bio de demain

À la croisée des chemins, les acteurs de l’agriculture biologique se sentent concernés pour construire les filières biologiques de demain, est-il ressorti des Assises. Elles devraient, à terme, mieux prendre en compte les coûts de production, la variabilité liée au changement climatique et les questions sociales. « Les acteurs doivent s’impliquer à travers la construction des filières avec les agriculteurs, la création d’une feuille de route RSE et l’accompagnement d’une transition volontaire », a résumé Florent Guhl, directeur de l’Agence bio. En ce sens, son président, Philippe Henry, a annoncé la création prochaine d’une commission distribution. Son rôle sera de travailler avec un panel d’acteurs (consommateurs, distributeurs, filières…) sur la rémunération, l’accessibilité et la transparence inhérentes aux produits biologiques.

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