Une responsabilité épineuse pour de bien cavalières pratiques
Plus de 15 ans après la crise de la vache folle, l’Europe est confrontée à un nouveau scandale lié à la présence de viande de cheval dans des produits soi-disant pur bœuf et étiquetés comme tel. Sans aucune arrière-pensée, bien évidemment, on observera qu’à l’instar de la crise de la vache folle qui était quasiment jugulée en Grande-Bretagne lorsqu’elle a rebondi sur l’Europe toute entière, la « crise du cheval » a elle aussi été découverte en Grande-Bretagne, le 15 janvier dernier, pour ne rebondir sur l’Europe que quatre semaines plus tard.
Fin des analogies. Car, en l’espèce, il n’est pas fait état d’un risque quelconque pour la santé humaine, mais seulement de tromperie, en l’état actuel des connaissances.
Prépondérance des accords commerciaux
Globalement, la tromperie s’entend soit de la livraison d’une autre marchandise que la marchandise commandée, soit de la livraison d’une marchandise qui ne comporte pas les qualités convenues.
Or, dans le cas présent, la viande était destinée à être transformée pour être incorporée dans des plats préparés, et il est alors fait usage non pas de viande de boucherie proprement dite, mais de minerai qui n’est pas soumis à la même réglementation, ce qui confère une place prépondérante aux accords commerciaux entre vendeurs et acheteurs.
Dans cette affaire, la qualification des responsabilités pourrait s’avérer épineuse. Au plan civil, le consommateur qui s’estimerait victime peut toujours s’adresser à son vendeur, ce qui enclenche traditionnellement un cortège d’actions récursoires à l’encontre des différents intervenants de la filière, sans que l’action du consommateur ne soit compliquée pour autant.
Or au plan pénal, terrain des poursuites qui seront engagées dans le cas d’espèce, les choses ne sont pas aussi simples car la phase d’instruction a pour objet de mettre en évidence les responsabilités potentielles pour qu’elles soient ensuite tranchées par un tribunal.
Dans un contexte où sont intervenus de nombreux professionnels et intermédiaires, passant par la Roumanie, Chypre, les Pays-Bas, le Luxembourg et la France avant même commercialisation du produit final par l’industriel, la difficulté de voir, s’il y a lieu, comparaître devant le juge français un opérateur établi hors de France ne doit pas être négligée.
Les obligations des opérateurs français
Qu’à cela ne tienne, les opérateurs français, qui semblent avoir été les acquéreurs du minerai, avaient l’obligation de vérifier, à réception, la conformité de la marchandise reçue à la commande, quand bien même, par hypothèse, elle aurait déjà été étiquetée « bœuf » à ce moment-là.
La jurisprudence est constante à faire peser sur le professionnel ce type d’obligation de vigilance. On l’a même vue il y a peu sanctionner un importateur français de fruits et légumes en provenance d’Espagne, qui étaient pourtant réputés avoir été contrôlés au départ.
En matière d’importation intracommunautaire, tout dépend en effet des documents qui accompagnent la vente, car si des contrôles sont considérés comme nécessaires, l’absence de contrôle implique la mauvaise foi de l’opérateur. Sans préjudice, bien entendu, de la question de savoir qui a étiqueté comme du bœuf de la viande de cheval !
Cette affaire n’est pas sans rappeler celle du faux blé bio en provenance d’Ukraine à la fin du siècle dernier.