TVA : les indépendants vont-ils manquer l’occasion ?
Après quinze ans de combat, les syndicats représentant le métier de la restauration ont obtenu la baisse de la TVA à 5,5%. L’Etat et les consommateurs attendent en contrepartie une baisse des prix. Pas si simple, répondent les restaurateurs indépendants.
Mercredi 24 juin, à la chambre de commerce et d’industrie de Paris, des dizaines de restaurateurs parisiens se pressent à une réunion d’information sur la baisse de la TVA organisée par l’Union patronale de l’industrie hôtelière (Upih). On est à J-7, Christine Pujol, présidente de l’Umih (syndicat national), est venue en personne délivrer un message fort : celui « de la baisse des prix ». « Vous n’aurez pas de mesures fiscales de cet ordre tous les ans, voire tous les dix ans. La victoire sur la TVA à 5,5 % doit être exemplaire. La baisse des prix doit être appliquée tout de suite, au 1er jour. C’est capital, crucial, c’est une question de crédibilité », martèle-t-elle alors. En tant que responsable de l’un des syndicats du secteur, elle a signé, le 28 avril dernier, le contrat d’avenir d’une durée de trois ans avec l’Etat. Elle s’est engagée au nom des professionnels à ce que la baisse de la TVA se répercute en partie sur les prix (d’au moins 11,8 % sur 1/3 du CA restauration, hors boissons alcoolisées qui restent à 19,6 %), sur l’emploi et sur la modernisation des établissements. « Il n’y aura pas de sanctions si vous ne baissez pas les prix », a-t-elle rappelé à un auditoire, visiblement sceptique sur les avantages de cette réduction fiscale. Ce qui inquiète Christine Pujol, c’est que le caractère facultatif de cette mesure pousse les restaurateurs indépendants à ne rien faire. « Beaucoup de chaînes de restauration font des offres, profitent de cette baisse de TVA pour se mettre en avant. Ce serait dommage que l’on dise que les restaurants traditionnels ont traîné les pieds. Dès le 1er juillet, les clients vont chercher la petite affichette [« la TVA baisse, les prix aussi ! », vitrophanie que les restaurateurs appliquant la baisse des prix peuvent coller sur la vitrine de leur établissement, ndlr]. C’est un enjeu concurrentiel », rappelait-elle il y a encore une semaine.
« Je vais perdre de l’argent »
L’enjeu est de taille pour la restauration indépendante, le secteur intermédiaire en particulier (entre 16 et 30 euros de ticket moyen) qui a perdu 10 points de part de marché en cinq ans au profit de la restauration rapide notamment. Mais pour les patrons de petits restaurants, dont certains ont vu leur chiffre d’affaires reculer de 10 à 30 % ces derniers mois, le passage de la TVA de 19,6 à 5,5 % sur la restauration soulève nombre de questions.« J’ai un menu unique. Si je le baisse de 11,8 % je vais perdre de l’argent », s’exclamait une restauratrice la semaine dernière à la réunion de l’Upih. Réponse des services juridiques de l’Umih : la baisse de prix de 11,8 % ne doit concerner qu’un tiers du chiffre d’affaires restauration, soit un tiers du prix du menu [40 centimes sur un menu à 10 euros, ndlr]. Les syndicats doivent également expliquer aux restaurateurs qu’une baisse de chiffre d’affaires TTC (engendrée par la baisse de la TVA) n’engendre pas une baisse de revenus. S’ils ne baissent pas leurs prix, malgré la suppression des aides Sarkozy à l’emploi, les restaurateurs récupèrent 7,29 % de marge supplémentaire depuis le 1er juillet.
« Reconstituer les marges »
Certes certains aspects techniques sont délicats, comme le calcul de la TVA sur un menu vin compris (les professionnels attendent toujours l’instruction fiscale sur les modalités d’application de cette mesure) ou encore le reparamétrage des caisses enregistreuses.
Mais pendant que la restauration indépendante hésite encore, les chaînes de restaurants, elles, profitent de l’occasion. « La TVA va nous donner un vrai levier pour retrouver du volume et reconstituer nos marges », confie Dominique Giraudier, pdg du groupe Flo. Depuis hier, toutes les enseignes du groupe communiquent fortement sur leurs baisses de prix.