Règlement « novel food » : comment l’Europe met la science dans nos assiettes
Depuis 2008, la réforme du règlement (CE) n° 258/97 du 27 janvier 1997 relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires oppose vivement les institutions européennes, en particulier sur la question du clonage.
Rédaction Réussir
Le règlement 258/97 visait initialement à encadrer, par une procédure d’autorisation longue et contraignante, la mise sur le marché communautaire de « nouveaux aliments », c’est-à-dire d’« aliments dont la consommation humaine [était] restée négligeable dans la Communauté avant le 15 mai 1997 » : pour l’essentiel, des produits traditionnellement utilisés dans les nouveaux États membres ou dans des pays tiers.
Mais très vite, l’industrie agroalimentaire a souhaité étendre le champ d’application du règlement à de véritables « nouveaux » aliments créés grâce à l’avancée technologique. Dès 1998, des demandes d’autorisation concernant des OGM ont été déposées. Ce domaine, réglementé depuis lors de manière autonome, a laissé place aujourd’hui à des questions épineuses relatives aux nanomatériaux et au clonage.
Une procédure centralisée d’évaluation
La Commission a décidé, en 2008, de réformer ce règlement pour mettre notamment en place une procédure centralisée d’évaluation de l’innocuité et d’autorisation des nouveaux aliments, avec le concours de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui réalisera les évaluations de l’innocuité et le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, mais c’est la Commission qui décidera in fine d’inscrire ou non le produit comme nouvel aliment sur la liste communautaire.
Ce projet de règlement est actuellement en cours de discussion devant le Parlement européen. En effet, si un consensus existe entre le Parlement, le Conseil et la Commission sur la nécessité d’assouplir la procédure d’autorisation, la délimitation du champ d’application du nouveau règlement est, en revanche, sujette à débat.
Divergences sur les nanomatériaux et le clonage
Ainsi, l’inclusion des nanomatériaux dans le champ du règlement ne fait pas l’unanimité, le Parlement ayant demandé, en première lecture, à ce que de tels produits ne soient pas inscrits sur la liste communautaire « aussi longtemps que l’utilisation de ces méthodes n’a pas prouvé que l’utilisation de chacun des aliments en question est sûre » et exigé un étiquetage spécial concernant ces produits. Bien que ses réticences aient très récemment trouvé un écho dans la préconisation par l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) du principe de précaution à l’égard des nanoproduits, ni le Conseil ni la Commission n’ont suivi le Parlement dans cette voie et les nanomatériaux devraient relever du règlement « nouveaux aliments » sans autre forme de procès.
Le débat est encore plus houleux, s’agissant de la question de l’inclusion des produits dérivés d’animaux clonés. Les positions du Conseil et du Parlement sont diamétralement opposées : le premier souhaite « inclure les denrées alimentaires produites à partir de la première génération de descendants d’animaux clonés dans la définition de « nouvel aliment », alors que le second souhaite les en exclure. La Commission adopte, quant à elle, une position intermédiaire, en reconnaissant ces nouvelles techniques de reproduction, mais en s’opposant à leur inclusion dans le nouveau règlement. Elle devrait publier un rapport sur le sujet cet été.
Dans un tel contexte, l’adoption du règlement (prévue pour juin) ne sera pas aisée et une procédure de conciliation sera vraisemblablement engagée, si le Parlement maintient sa position en seconde lecture.