Pour un usage approprié du principe de précaution
La Presse Bisontine évoquait récemment des études de 2008 ayant mis en évidence la présence de cadmium dans les sangles qui permettent de contenir le caillé lors de la confection du célèbre fromage Mont d’Or. Or, les produits lactés ne figurent pas dans le champ de la règlementation actuelle. Étude de cas.
Rédaction Réussir
Le cadmium est présent dans certains aliments qui font l’objet de seuils de tolérance fixés au niveau communautaire, comme la viande bovine, les mollusques, les céréales, les fruits et légumes ou encore les compléments alimentaires. Mais à ce jour, il n’existe aucune règlementation pour le lait, c’est pourquoi la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection de la population (DDCSPP) n’a recommandé aucune mesure contraignante particulière en l’absence de valeur de référence.
Concernant le fromage Mont d’Or, aucun test n’a été réalisé depuis 2008, et surtout, personne n’est en mesure d’affirmer que le métal lourd présent dans la sangle migrerait vers le fromage. La profession se dit donc sereine car aucun risque sanitaire n’est démontré, tout en appelant à aller plus loin dans la recherche.
Or, en droit de l’alimentation, ce n’est pas parce que l’autorité de contrôle n’a pas de grille pour situer son action que le professionnel peut mettre ses produits sur le marché sans risquer d’exposer sa responsabilité.
D’une part, les dispositions de l’article L. 221-1 du code de la consommation lui font obligation de mettre sur le marché des produits sains, c’est-à-dire présentant la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne portant pas atteinte à la santé des personnes.
Cette obligation de sécurité est une obligation de résultat qui doit justifier toutes les précautions.
D’autre part, et surtout, nous sommes précisément dans le cadre typique dans lequel le principe de précaution, issu du règlement communautaire n° 178/2002, va pouvoir s’appliquer.
Un principe d’action
Ce principe a en effet vocation à s’appliquer dans le cas où une évaluation des informations disponibles révèle la possibilité d’effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique.
En pareil cas, des mesures provisoires de gestion de risques nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisi par la communauté peuvent être adoptées, dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque.
Or, les teneurs en cadmium n’étant pas règlementées pour les produits lactés, peut-on les considérer comme exempts de tout risque pour la santé humaine ?
Si la réponse est oui, nous pouvons raisonnablement attendre une précision scientifique. Si la réponse est non et que nous considérons qu’en l’absence de connaissances scientifiques, le risque n’est pas absent pour autant, alors des mesures de précautions peuvent être prises d’après la règlementation communautaire, qui impose également de faire remonter l’information par le système d’alerte rapide.
Nous voyons à travers cet exemple que le principe de précaution est un principe d’action qui veut qu’une précaution soit prise dans une situation de doute et en l’absence de réponse scientifique, ce qui s’oppose à une utilisation tous azimuts du principe de précaution pour justifier l’inaction, comme c’est par exemple le cas en matière d’OGM où, en l’absence de vérité scientifique, on choisit le statu-quo.
Précisons encore que si la situation à risque détectée était corroborée par la connaissance scientifique, c’est alors le principe de prévention qui s’appliquerait, passant par l’obligation pour l’opérateur de traiter le risque en amont, c’est-à-dire de le prévenir.
C’est précisément tout l’esprit du règlement précité de 2002 que d’avoir su mettre en œuvre une approche intégrée susceptible de tenir compte de tous les différents stades de la connaissance scientifique.